Black Midi
“SCHLAGENHEIM”
Difficile de savoir si l’on aime ou déteste Black Midi, tant le groupe, sa musique, le buzz qui l’entoure ont quelque chose de fondamentalement désagréable. Rough Trade, surfant sur une vague née au Windmill de Brixton il y a un an et demi, a fait de faux mystères autour de cette nouvelle signature. La musique, elle, oscille entre une sorte de math rock ultra agressif et un lyrisme un peu absurde, à la limite de Jeff Buckley. Malgré tous ces obstacles, aucun groupe aujourd’hui ne semble aussi moderne. La musique de “Schlagenheim” dessine la carte mentale des humains à l’ère digitale. Déconstruite, hermétique, égoïste, elle fascine par sa technicité, son inventivité et sa manière de repousser les limites du monde connu (guitare, basse et batterie). Entièrement conçue par des garçons anglais s’étant construit en jouant aux jeux en ligne, cette musique ressemble à “Minecraft” : elle est brute, libre, lo-fi, module en permanence. Surtout, elle est immature. Une musique d’enfants n’ayant aucune idée de la souffrance qu’ils infligent à leur congénère. L’écoute de ce disque est éprouvante, et c’est son point fort : il est radical. Le groupe s’étant forgé sa réputation sur scène avec un show très impressionnant, on pouvait redouter son passage sur bandes. Il ne faut pas. Le producteur de la nouvelle scène anglaise — Dan Carey — a ici utilisé le principe de Stravinsky pour chaque overdub (piano, banjo, synthétiseur et autres guizmos non identifiés) : tout instrument est avant tout une percussion. Chez Black Midi, il faudrait parler d’uppercut. THOMAS E. FLORIN