Rock & Folk

Bob Dylan

“ROUGH AND ROWDY WAYS”

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Ça fait 20 ans que Dylan a une formule pour ses albums : un mélange des genres et styles musicaux qu’il entendait à la radio dans les années 40 et 50. Si “Love And Theft”, premier de la série, a certaineme­nt été le plus inspiré, “Rough And Rowdy Ways” atteint parfois les mêmes hauteurs, avec quelques variations et surprises qui en font un disque souvent enthousias­mant. Dylan n’aligne plus de blues et swings rétro à la chaîne, il y a quelques ballades folk aux arrangemen­ts aériens et au phrasé maîtrisé, une ode adressée à l’île de Key West qui part en vrille sur neuf minutes médusantes... et même un titre d’inspiratio­n doo-wop à la mélodie chipée à Offenbach. Bref, moins de rock’n’roll, plus de barcarolle. Il y a surtout ces textes en grande verve, un cran au-dessus de ceux de “Tempest” en 2012. Dylan multiplie les juxtaposit­ions baroques, de Dante à Radio Luxembourg. Sur “I Contain Multitudes”, sorti dès avril dernier, il rapprochai­t Anne Frank, Indiana Jones et les Rolling Stones dans le même couplet. “My Own Version Of You” le montre même jouer les Frankenste­in, touillant le Pacino de “Scarface”, le Brando du “Parrain” avec d’autres foies et cerveaux pour bâtir sa créature idéale. C’est un art poétique où il livre son propre processus pour écrire une chanson, voire sa vision d’un univers confus qu’on ne peut plus aborder plus que par références, comme cette litanie d’oeuvres pop énumérées dans “Murder Most Foul”, celles qui ont fait oublier à l’Amérique la mort de JFK.

Le tableau global que dresse Dylan, un monde où tout devient aussitôt culture pop ou meme, décrit surtout la réalité actuelle avec une acuité sidérante : notre époque est elle-même devenue une chanson de Dylan.

FRANçOIS KAHN

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