John Lennon
“IMAGINE” APPLE
Les esthètes préfèrent le premier album de John Lennon, mais celui-ci est un classique, le choix du public, si l’on veut. Pour la chanson éponyme, bien sûr, probablement la plus connue de son auteur en solo, mais également pour toutes les autres qu’on oublie trop souvent. Bon, hormis “Oh Yoko !”, OK — et encore, la mélodie est agréable, et puis cela pourrait être pire : elle aurait pu chanter. Toujours produit par Phil Spector, avec une discrétion qu’on ne lui connaissait pas dans les années 60 — on note très peu d’effet mur de son ici, seulement quelques violons discrets — mais qui sécurise Lennon et qui lui invente ce son caractéristique, voix doublée et gorgée d’écho (tout de même). Le groupe est parfait, le sous-estimé Plastic Ono Band, soit Klaus Voorman et Alan White (futur Yes, mon Dieu) parfois suppléé par Jim Keltner ou Jim Gordon, la guitare slide inimitable de George Harrison alors à son apogée, les acoustiques de Badfinger, le regretté Nicky Hopkins au piano et même quelques interventions de King Curtis au saxophone ténor. Un album plus produit et luxueux que le précédent, donc, d’où son succès, avec les formidables ballades que sont “Imagine”, “Jealous Guy”, “How” ou “Oh My Love” (à la mièvrerie très McCartney...), mais également du rock, brut et sec (“It’s So Hard”), spectorien (le superbe “I Don’t Wanna Be A Soldier”) ou beatlesien (“Gimme Some Truth” et ses arpèges à la “I Want You”), avec ses énormes batteries en avant, quasiment tribales. Et puis il y a le règlement de comptes avec son ancien compère, cet incroyable “How Do You Sleep” au vitriol (benoîtement avalisé par la slide de George), rempli d’auto-citations (une constante chez Lennon, cf “Glass Onion” sur le Double Blanc), terriblement méchant et en même temps d’une beauté surnaturelle. Le refrain sonne quasiment comme du Led Zeppelin, avec ses cordes arabisantes, lourd et magistral. Un album à redécouvrir, d’une richesse et d’une variété époustouflantes.