Dennis Wilson
“PACIFIC OCEAN BLUE” CARIBOU
Dans l’imagerie bon enfant des Beach Boys des débuts, Dennis a tout de suite été cantonné au rôle du bon gars, du type insouciant. Le batteur, après tout, était celui qui pratiquait le surf (contrairement à ses frères), roulait en Corvette, portait des chemises hawaïennes et ramassait les filles sans effort. Comment deviner alors que celui-ci pouvait composer des chansons si belles ? Dans son coin, au cours de ces interminables moments d’oisiveté qu’offrent les tournées, Dennis a appris le piano sur le tas. Il place d’ailleurs quelques compositions sur les albums post-“Pet Sounds” du groupe, discrets joyaux tels que “Little Bird” ou “Forever”. Alors que les Beach Boys continuaient leur cahoteux parcours, Wilson a mis de côté quelques compositions co-écrites avec une nouvelle bande d’amis, Steve Kalinich, Daryl Dragon et Gregg Jakobson. C’est avec ce dernier à la console et une cohorte de musiciens de séance californiens qu’il commence en 1976 à enregistrer au studio Brother de Santa Monica, propriété de ses frères Carl et Brian. Dennis a alors 32 ans, sa voix n’a plus grand-chose à voir avec le timbre angélique qui assurait le lead de “Do You Wanna Dance ?”. On entend le whisky, la décadence et la désillusion, les clopes, la dope et les peines de coeur dans “Pacific Ocean Blue”. Un disque à la désarmante sincérité. Musicalement, avec ses batteries mates, ses cuivres et ses arrangements virtuoses, l’album est une superproduction typique de l’époque où Fleetwood Mac et Eagles régnaient. A cette différence près que Denny se livre sans effet de manche. Le boogie glauque réglementaire est là (“Friday Night”), le gospel blanc aussi (“The River Song”), mais c’est avec ses ballades d’alcoolo que le barbu à la voix éraillée met tout le monde à terre : “Moonshine”, “Farewell My Friends” ou la gigantesque “Thoughts Of You” sont aussi impudiques que bouleversantes. Ces douze titres de pop californienne léchée mais à l’âme brisée offrent à l’artiste un appréciable succès d’estime. Qui n’enrayera pas son irrémédiable chute, une déliquescente relation avec Christine McVie, une cure de désintox, puis une mortelle noyade en 1983. A l’émerveillement général l’album a été réédité en 2008, garni d’inédits d’époque aussi excellents et d’un album postérieur inachevé, “Bambu”, où l’artiste chante son existence de clochard (“He’s A Bum”).