Thin Lizzy
“LIVE AND DANGEROUS” VERTIGO
Contre la dictature du présent, il y a l’instant, gravé à jamais dans le temps. Entre “Bad Reputation” et “Black Rose”, Thin Lizzy devait sortir un autre disque studio produit par Tony Visconti, mais le producteur américain était trop accaparé par T. Rex et David Bowie. Qu’à cela ne tienne, le groupe irlandais l’appelle pour apporter des finitions à des chansons enregistrées à Londres en 1976, et à Philadelphie et Toronto l’année suivante. Tony Visconti affirmera que la majeure partie du double album live a été refaite en studio, ce que les membres du groupe nieront toujours. Voilà pour la controverse, reste la musique. L’enchaînement “Jailbreak” — “Emerald” annonce la couleur haletante, même quand il s’agit d’adoucir le tempo et que l’atmosphère vire mélancolique sur “Southbound”, avant la relecture de “Rosalie” de Bob Seger où le son de Detroit est passé à travers le filtre de la musique celtique. Super-héros cuir à la voix sensuelle, Phil Lynott emmène une parfaite configuration du quatuor. La face B du double live débute avec la ligne de basse du rocker noir de l’île d’émeraude sur “Dancing In The Moonlight (It’s Caught Me In Its Spotlight)”, avec le saxo moite de John Earle, échappé du groupe de Graham Parker. Complémentaires et tranchants, les guitaristes Scott Gorham et Brian Robertson se révèlent particulièrement inspirés. Pleine d’émotion, la ballade “Still In Love With You” constitue le clou du spectacle. Initialement joué par Gary Moore, ce blues lent au solo soul à la Santana est ici immortalisé par Robbo, qui laisse des intervalles pour que respire l’envolée romantique. Il faudrait aussi parler de “The Boys Are Back In Town”, meilleure que la version studio, mais aussi du batteurcompositeur Brian Downey qui tient la baraque sur la quatrième face. Définitif, le riff de “The Rocker” clôt cette page de l’histoire du rock en roulant. “Live And Dangerous” fait se sentir vivant, et tout le monde devrait l’écouter maintenant en ouvrant la fenêtre.