Rod Stewart
“EVERY PICTURE TELLS A STORY” MERCURY
Lorsqu’il entre en studio pour enregistrer ce qui deviendra “Every Picture Tells A Strory”, Rod Stewart n’en est pas à sa première métamorphose. Avec cet album, il abattait une carte qui allait devenir un chef-d’oeuvre. Les titres partaient dans de multiples directions, rock, blues, folk, mais le concepteur parvenait à maintenir une cohérence tout du long. Pour moitié le disque était composé de reprises : “That’s All Right Mama” d’Arthur Crudup, repris à l’époque Sun par Elvis Presley, suivi de “Amazing Grace” ; “Tomorrow Is A Long Time” de Dylan interprété magnifiquement — rareté dylanienne qu’Elvis avait lui-même repris en 1966 sur “Spinout” ; “(I know) I’m Losing You” des Temptations où l’accompagnent les membres des Faces et “(Find A) Reason To Believe” de Tim Hardin. Tout cela était concocté avec le plus grand soin. D’ailleurs Rod Stewart lui-même produisait l’album. Figuraient ensuite d’autres morceaux de bravoure. La chanson qui donne son titre à l’oeuvre, co-écrite avec son complice des Faces, Ron Wood, s’impose d’emblée comme un classique. Il sera repris en 1986 sur leur premier album par les Georgia Satellites. Aujourd’hui les paroles heurtent les sensibilités et Rod fut amené à en modifier certains vers afin de les adapter à l’évolution des mentalités. Cela ne retire rien à la force de cette fresque autobiographique qui mène de Paris et Rome aux confins de l’Asie, sorte de travel-writing rock’n’roll. L’autre monument du disque reste “Maggie May”, où le narrateur exprime l’ambiguïté de sa relation avec une femme plus âgée que lui et qui à ses yeux le manipule... La candeur des sixties n’avait plus cours, on entrait dans les années 1970 et Stewart avait bien perçu les changements à l’oeuvre. Le public les comprit également et fut présent au rendez-vous. Fait rare, cet album se classa numéro 1 des deux côtés de l’Atlantique, tout comme le single “Maggie May”. “Every Picture Tells A Story” n’est qu’une station dans la vaste carrière de Rod the Mod, mais il reste un moment de grâce — tels ces passages au violon ou à la mandoline qui évoquent la musique élisabéthaine ou encore les fulgurances de Martin Quinttenton à la guitare acoustique. Disque total, absolu, cette photographie racontait une histoire, celle de Rod Stewart dans son époque. D’autres épisodes allaient suivre, pas toujours de la meilleure inspiration, qu’importe.