Howlin’ Wolf
“THE LONDON HOWLIN’WOLF SESSIONS” CHESS
Wolf a perdu pas mal de superbe depuis sa crise cardiaque, et aussi depuis que Marshall Chess, le fils du patron, lui fait enregistrer des disques merdiques pour les hippies. D’ailleurs le patron repose dans une barque en sapin depuis deux ans. Norman Dayron maintenant. C’est un producteur de chez Chess qui va et vient, entre les gloires finissantes de la maison et ces jeunes prodiges blancs qui ont mis le blues sous Stratocaster. Que dit-il à Clapton ? “Un album avec Howlin’ Wolf, ça te tente ?” Londres, 1971. Les studios Olympic sont réservés du 2 au 7 mai. Autour du Loup piaffent les plus gros consommateurs de shampoing du Swinging London. Marshall a tenté d’économiser le billet d’avion de Hubert Sumlin, Clapton l’a menacé d’abandonner si Sumlin n’était pas du voyage. Le centre de gravité se cristallise sur Clapton, Sumlin (guitare rythmique), Steve Winwood (claviers), Bill Wyman et Charlie Watts. Le jeune harmoniciste Jeff McCarp est là aussi. Bill et Charlie n’étant pas dispos le premier jour, Klaus Voormann et Ringo Starr (crédité Ritchie sur la pochette) jouent les roues de secours. A un moment, Ian Stewart passe par là. La présence des autres est plus floue : Phil Upchurch, Lafayette Leake, le trompettiste, les deux saxos. On sait qu’à Chicago Chess a overdubbé quelques basses, quelques claviers et fait donner quelques pavillons, alors... Wolf les fait tous flipper, chaque chanson est une bataille mais Clapton est rigoureux, il s’exalte au besoin, sans mégalomanie (les turn-around étourdissants de “Rocking Daddy”). Charlie Watts swingue simplement, avec beaucoup de feeling. Le chant du vieux a perdu un peu de densité mais il reste très magnétique, son diaphragme tire encore comme un câble d’arbalète (les cardiologues déconseillent à leurs patients de chanter sur le quasi diddleybeat de “Do The Do”). Même transplantés à Chicago, les pavillons lancent deux tornades fracassantes : “Built For Comfort” et “I Ain’t Superstitious” au roulis funky. A part des compilations de singles, Wolf n’a jamais brillé par ses albums, étalonnés de lamentables à
faiblards. A Londres, il pensait que cette exhibition d’angoras ne serait pas à la hauteur. Pourtant ils enregistrent ensemble le meilleur (vrai) album de sa carrière. Wolf est content, surtout quand il découvre le montant du chèque.