Bertrand Burgalat
“MEETS AS DRAGON” TRICATEL
Combien d’albums live dans ce hors-série ? Et surtout, combien d’albums live français ? En voici un, d’un groupe qui a donné toute la mesure de sa grandeur sur scène. AS Dragon a été un souhait, une utopie insufflée par Bertrand Burgalat pour que l’Hexagone possède un groupe capable d’infléchir la musique du pays. Fantasme façon MG’s, Swampers ou Wrecking Crew qui, d’une certaine manière, a eu son influence occulte en collaborant avec Alain Chamfort, Jacno ou Lio. Mais il fallait montrer la voie. Après s’être formé autour de la tournée de Michel Houellebecq, Bertrand Burgalat luimême prend la route avec les Dragons (comme ils ont failli s’appeler) pour défendre son album “The Sssound Of Mmmusic”. Comme deux courbes ascendantes qui, en se croisant, montent un peu plus haut, la puissance et la précision d’AS Dragon a rencontré Bertrand Burgalat à un moment de grande maîtrise. Car dans ce “…Meets…”, quelque chose est sous-entendu : il n’y avait rien d’évident à ce que l’alchimie naisse entre ce groupe et cet anti-chanteur. Déjà avec Michel Houellebecq, on entend chez eux le grand bonheur de jouer, cette manière française de, quand on est bon, ne pouvoir s’empêcher d’être lyrique. C’est ce “Follow Me” touchant, chanté avec accent élégant comme un film de Jacques Rouffio. Apanage des grands albums live, certaines versions sont ici meilleures qu’en studio (“Ok Skorpios”, “Aux Cyclades Electronique”), et les morceaux instrumentaux (“Alsthom”) tout aussi fascinants que les chansons (“Ma Rencontre”, paroles de Philippe Katerine, “Gris Métal”, paroles de Houellebecq : l’autre histoire de la chanson française). Louons enfin le son de cette chose — on se demande parfois si c’est un véritable live — mixé par Burgalat lui-même. Pour finir, Bertrand s’essaye à “Tears Of A Clown” de Smokey Robinson, préfigurant un peu le Bob Dylan chantant “Tin Pan Alley”. Après cela, il n’y aura plus jamais d’AS Dragon comme celui-ci. Bientôt, Peter von Poehl partira et le groupe restera excitant mais plus brutal. Ce sera “Spanked” avec Natacha Lejeune. Une autre histoire.
THOMAS E. FLORIN