April March
“TRIGGERS” TRICATEL
Sorti en 2003, cet album représente une véritable évolution de la production créative du binôme composé d’April March et de Bertrand Burgalat. April March comparait son opus précédent de 1999 sur Tricatel, “Chrominance Decoder”, à une tocante Lip sixties et “Triggers” à une montre hip-hop futuriste. Dès l’introduction, “Résumé”, le ton est donné, il sera post-moderne et les tonalités electro-pop seront mêlées à des grooves discoïdes. Pendant longtemps, April March fut réticente aux synthés et Bertrand Burgalat de lui faire apprécier la dark side of the Moog. Qu’importe que les paroles alternent français et anglais, “Triggers” exhale un parfum mélancolique que l’on doit aux aléas de la vie, April et Bertrand étant tous deux devenus orphelins de fraîche date. Plage 2 du LP, “La Nuit Est Là” (sur des paroles de Pascal Mounet) plonge l’auditeur dans un trip mystérieux à l’instar de celle du film de Franju “Les Yeux Sans Visage” cité dans les paroles. Avec le mystique et existentiel “Somewhere Up Above”, on mesure l’importance des AS Dragon avec Peter von Poehl sur la forme sonore de l’album. Le tube de “Triggers” est sans nul doute la chanson “Coral Bracelet”, fruit de la collaboration entre March/ Burgalat et ces orfèvres des mélodies pop que furent les Eggstone. Avec son psycho-géographique “Le Code Rural”, April March évoque l’hypnotique ennui qu’elle connut lors de son séjour dans l’Etat du Vermont. Sur le titre “Le Coeur Hypothéqué”, April March, née Elinor Blake, expose les incertitudes de l’âme, et l’auditeur de comprendre que, contrairement à “Chrominance Decoder”, le masque de l’humour et du yé-yé est tombé. Le “souris puisque c’est grave” d’Alain Chamfort va comme un gant à cette collection de chansons qui n’hésitent pas à maudire le soleil pour l’illusion du bonheur qu’il procure. La plage “Triggers”, qui donne son nom à l’album, nous dit : “Relax, a trigger takes you backwards to go forwards” (“Relaxetoi, une gâchette t’envoie en arrière pour mieux te propulser en avant”). Entre space disco moderne, introspections et constats sur l’absurdité de la condition humaine (“There Is Always Madness”), “Triggers” est la traversée d’une forêt onirique comme l’expose le côté pile de sa pochette. Un album culte à la modernité toujours intacte.