The Divine Comedy
“ABSENT FRIENDS” PARLOPHONE
Le dandy irlandais Neil Hannon n’a jamais eu cure des tendances de son époque. Trop classe pour suivre les modes il n’hésitait pas, en plein mouvement grunge, à truffer son album “Casanova” (1995) de somptueuses orchestrations de cuivres. Rebelote en 2004 avec cette démonstration d’élégance qu’est “Absent Friends”. Ce fils de pasteur, amoureux de Scott Walker et Burt Bacharach, livre ici un chef-d’oeuvre paré d’arrangements de cordes légers, jamais ronflants, et de textes subtils, drôles et intelligents rivalisant pour certains avec ceux de Ray Davies. La naissance de sa fille a inspiré à Neil Hannon ce disque tourné vers l’enfance. Une enfance souvent solitaire (“My Imaginary Friend”) mais pas tragique pour autant (“The Happy Goth”), pour laquelle l’auteur-compositeur nourrit une tendresse amusée. La paternité ne lui a pas fait perdre son goût pour les boissons alcoolisées, qu’il conjugue avec les blessures de jeunesse (“Raise your glasses then to absent friends”, chante-t-il sur le morceau d’ouverture). Le single “Come Home Billy Bird” raconte la gueule de bois carabinée d’un businessman pressé d’assister au match de football de son fiston, tandis que le grandiose “Our Mutual Friend”, morceau le plus marquant de l’album, raconte avec une incroyable maestria la déception amoureuse qui suit une soirée arrosée. De naufrage il est également question dans les mélancoliques “The Wreck Of The Beautiful” et “Laika’s Theme”, instrumental dédié à la chienne du programme spatial soviétique dont tout gamin apprend à l’école qu’elle a été le premier être vivant envoyé en orbite, mais dont on évite généralement de préciser qu’elle y est morte. Neil Hannon n’en oublie pas l’espoir, refermant l’album sur “Charmed Life”, sans doute la seule chanson intelligente jamais écrite à l’intention d’un nouveau-né. Sous forme de comptine, le chanteur revient sur son passé pour en conclure que, l’un dans l’autre, il a eu une vie plutôt chouette. Sans doute pour cela qu’il parvient, de sa voix de baryton toujours impeccable, à conserver détachement et humour, même sur les chansons tristes. “Absent Friends”, magnifique disque sur la solitude, devient un compagnon pour l’auditeur dont les amis sont aux abonnés absents.
SYLVIA HANSEL