My Morning Jacket
“Z” ATO
Délivré d’influences jusqu’alors un peu trop nettes (Neil Young, une rasade de rock du Sud, une pincée de country, un zeste d’americana enrobé de psychédélisme), My Morning Jacket évolue avec “Z” dans une dimension qui lui est propre. Son inventivité permet à Jim James, unique compositeur du groupe, de transgresser tout classicisme et d’établir, un univers à la cohérence assise sur un extraordinaire sens mélodique. “Wordless Chorus” s’ouvre par une pulsation electro qui semble flotter dans l’espace, puis se résout dans un refrain féerique orné de pizzicatos hawaïens. “It Beats For You” et “Gideon” concurrencent Radiohead sur son propre terrain en même temps qu’ils renvoient Coldplay en cour de récréation. “What A Wonderful Man” sonne comme du Beach Boys garage et revanchard. Ouvert par un riff proche du thème de la série “Hawaï Five-0”, “Off The Record” se poursuit par un reggae rieur qui débouchera sur une coda en apesanteur. “Into The Woods” offre l’une de ces mélodies déchirantes que James semble produire en dormant, valse emportée par une chorale dans les astres. “Anytime” et “Lay Low” sont des grooves aux guitares luxuriantes, témoignage d’un héritage sudiste. “Knot Comes Loose”, une ballade diaphane, frêle comme un vol d’oiseau en hiver. Le meilleur reste à venir. Un murmure sépulcral soutenu d’une unique batterie, quelques accords de guitare qui s’égrènent, un court solo qui porte sa croix, soudain déchiré par des accords et un chant à la beauté implacable — l’ultime morceau de l’album, “Dondante”, écrit pour un ami disparu, tient du classique instantané. Il émane de “Z” une spiritualité fantasmagorique qui provient pour beaucoup de la ferveur contenue dans la voix de Jim James. De l’exaltation sublime de ses douleurs. Originaires d’un trou paumé, habillés en dépit du bon sens, ayant grandi à l’écart de tout cynisme et de tout engouement pour le prochain revival, les membres de My Morning Jacket prétendent faire croire que les plaines du Kentucky se situent en orbite de la voie lactée.