Rock & Folk

Bob Dylan

- FRANÇOIS DUCRAY

“BLONDE ON BLONDE” COLUMBIA

Le Dylan de 1974 confiait, songeur : “That wild and mercury sound...” Un Dylan dont “Blood On The Tracks” n’arrivait pas à apaiser les angoisses d’oreille (insatisfai­te) et d’oreiller (sa femme allait le virer, tout son génie mobilisé n’y pourrait rien et il le savait...). Mais laissons les superlatif­s au grenier, ils y feront tous les petits qu’ils veulent. Paru à l’été 1966, “Blonde On Blonde” succède de près à la paire déjà bien décoiffant­e “Bringing It All Back Home”/ “Highway 61 Revisited”, où le baladin folk se convertiss­ait au rock par la face nord de l’Everest, direct. C’est le premier double album de l’histoire de la musique populaire dite

de rythme et l’un des très rares à se justifier de bout en bout par un même ton et un même son. Quand Dylan commence à envisager de l’écrire (ce qui sera fait dans l’urgence, sur des coins de tables ou d’amplis), il est sous la pression (longtemps traquée) de deux hits (“Like A Rolling Stone” et “Positively 4th Street”) qui viennent enfin de rapprocher sa renommée de celles des rois Beatles et des princes Stones. Sous l’emprise délibérée de certains adjuvants pharmaceut­iques, aussi. Et d’une noria de femmes sublimes, dont Edie Sedgwick et surtout Sara Lowndes, qu’il a secrètemen­t épousée en novembre 1965. C’est à elle qu’est d’ailleurs dédiée la première chanson qui figurera sur “Blonde On Blonde”, “One Of Us Must Know”, seule rescapée d’une série de cinq mises en boîte avec The Band à Los Angeles. Les treize autres verront le jour lors de deux séances de cinq jours chacune en février et mars 1966... à Nashville, avec des musiciens du cru, pour varier les plaisirs et faire vite, et contraste face aux fidèles Al Kooper (orgue) et Robbie Robertson (guitare). D’où le fameux son sauvage et mercurial. A l’époque, Kris Kristoffer­son vidait les cendriers que Bob remplissai­t, blonde sur blonde, entre correction de couplets et prises de voix, voire de bec avec son producteur qui ne comprenait rien à ce qui se passait : mais qui l’eût pu ?

Ce qui se passait, c’était l’apocalypse, “Visions Of Johanna”, “Memphis Blues Again”, “Absolutely Sweet Marie”, “Just Like A Woman”, “I Want You”, “Sad Eyed Lady Of The Lowlands”. Départ en fanfare avec la célèbre apostrophe “tout le monde doit s’éclater la tête”, une heure de voyage sur l’Olympe, sans billet retour, pas une seconde à perdre...

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