Del Shannon
“LITTLE TOWN FLIRT” BIGTOP
Deuxième album de Del Shannon, “Little Town Flirt” rassemble en fait plusieurs singles parus lors des années précédentes, au nombre desquels le célébrissime “Runaway” au son si reconnaissable du Clavioline de Max Crook (co-auteur du titre), sorte de synthétiseur modifié baptisé Musitron. A lui seul, ce titre reflète cette époque de transition entre le rock des pionniers et la déferlante de la British Invasion. Succès phénoménal à sa sortie, il fera l’objet de nombreuses reprises (Small Faces, Elvis Presley, Bonnie Raitt, Traveling Wilburys), sans compter les adaptations, ainsi “Vanina”. Cependant il ne faudrait pas cantonner à cette seule chanson l’oeuvre de Charles W Westover (son vrai nom), originaire du Michigan, comme Bob Seger dont il encouragera les débuts vers 1964. Les chansons réunies pour cet album expriment une poésie faussement naïve, une fraîcheur doublée d’un profond désarroi, qui préfigure déjà l’issue tragique d’un jour de février 1990. “Two Kinds Of Teardrops”, “Hats Off To Larry”, “Hey Little Girl” ou la chanson-titre “Little Town Flirt” démontrent avec force le talent de Shannon. Si aucun de ces singles ne retrouvera la place de numéro 1 de ce “Runaway” qui le poursuivra toute sa vie, ils témoignent d’une voix et d’un style remarquables, que leur auteur qualifiait à l’époque de pop rock’n’roll. Ses reprises de “Dream Baby”, “Runaround Sue” rivalisent avec les versions de Roy Orbison ou de Dion. Peu après la sortie de cet album, Del Shannon comprend qu’arrivent du RoyaumeUni d’autres influences. Il sera le premier Américain à enregistrer une chanson des Beatles (“From Me To You”, 1963). En 1964, il retrouvera le succès des deux côtés de l’Atlantique avec “Keep Searchin’ (We’ll Follow The Sun)”. Puis suivra une période où il est en proie à ses démons, à commencer par l’alcoolisme et la dépression. Derrière ses tendres chansons, un abîme s’ouvre. Il trouvera la force en 1982 d’enregistrer un album avec les Heartbreakers produit par Tom Petty, “Drop Down And Get Me”. Quelques années plus tard, avec les mêmes, mais sous la houlette de Jeff Lynne, il récidivera. “Rock On” sortira posthume en 1991. Sur ces deux derniers albums il avait conservé le lyrisme héroïque propre à ses premiers titres. Mais il fallait s’y résoudre : le temps des flirts et des bals était bien fini.