Melody’s Echo Chamber
“MELODY’S ECHO CHAMBER” DOMINO
Il faut s’asseoir pour le croire. Melody Prochet, jeune femme née en Provence au pays des santons et des mafieux à gourmette, illuminait l’automne 2012 avec un album de pop rêveuse d’une espèce rare. Le rideau de perles de la pochette pouvait faire craindre un de ces disques avec ukulélé destinés aux publicités pour le yaourt ou les assurances. Sauf que non. Que découvret-on ici ? Un truc absolument pas rétro où frayent de surprenantes sonorités. Les batteries ont été enregistrées à l’arrache puis éditées, les claviers triturés et savamment détunés, les guitares assaisonnées à la sauce space rock... Ce disque à la fois saturé et élégant, Melody l’a réalisé en compagnie de Kevin Parker de Tame Impala. L’Australien a ici joué les exécutants de luxe sur ce onze-titres partiellement enregistré dans son studio des Antipodes. Deux ans avant, Melody avait tenté le coup sous le nom de My Bee’s Garden. L’album, un peu trop gentillet, se nourrissait déjà des mêmes ingrédients assez chic : pop sixties érudite (Left Banke, Montage), entités expérimentales (Can, Silver Apples, Faust ou Red Krayola) ou les plus récents Deerhunter ou Broadcast. “Melody’s Echo Chamber” n’est pourtant pas hautain pour un sou. Hypnotisant et obsédant plutôt. Un songe cotonneux et merveilleux. L’entame se nomme “I Follow You”, les six-cordes filtrées y cohabitent avec une voix vaporeuse du meilleur effet. Au microphone, la Française, effectivement passée dans quelque chambre d’écho, rappelle feu Trish Keenan, Margo Guryan ou une Hope Sandoval plus aiguë. C’est ensuite le parcours sans faute. Un morceau qui, peut-être, évoque la cristallisation chère à Stendhal (“Crystallized”) puis quantité d’autres splendeurs à la cohérence parfaite : la mélodie tourbillonnante de “Some Time Alone, Alone”, “Endless Shore” et “Mount Hopeless” doucereuse en apparence et vraiment déviante. C’est que la demoiselle, une décennie de conservatoire et d’alto derrière elle, maîtrise son affaire et compose tout avec brio. On l’entend sur “Quand Vas-Tu Rentrer ?”, l’un des titres en français, basé sur un rythme à cinq temps. Himalaya érotique de l’album : “Bisou Magique”. C’est simple, hormis le fameux “Zou Bisou Bisou” ressorti dans “Mad Men”, on n’avait jamais entendu plus bel hommage à l’un des mots les plus niais de la langue française. La patrie avait de quoi être fière.