Rock & Folk

Peter Gabriel

- FRANÇOIS DUCRAY

“SO”

CHARISMA

Voilà plus de trente ans déjà que Peter Gabriel n’est plus l’archange de Genesis... et vingt depuis que le succès de ses trois ex-compères (donnés pour finis lors de son départ) dépasse largement le sien. Il faut bien admettre qu’en dehors de son premier album en solo, classiquem­ent mis en scène façon “Berlin” humide par Bob Ezrin, les disques de Peter engendrent une perplexité certaine : l’abscons le dispute parfois à l’audace et tous les essais n’ont pas la vitalité intrinsèqu­e d’un “Biko” ou d’un “Games Without Frontiers”, d’un “Shock The Monkey” ou d’un “San Jacinto”. Bref, Gabriel l’Artiste n’est pas toujours à la hauteur de Peter le Sourcier en sons neufs. Après une tournée revigorant­e (“Plays Live”, grand live), l’Anglais préféré des Françaises décide de s’enfermer dans sa campagne de Bath afin de composer, autant pour toucher que pour se faire plaisir, ne plus systématiq­uement dédaigner l’aspect mélodique de son travail. Daniel Lanois, jeune ingénieur/ producteur inconnu d’origine acadienne, va l’y aider en toute candeur : bingo, voilà ce qui manquait, un zeste de candeur... Lanois apprivoise­ra les machines froides chères à Peter tandis que Gabriel prêtera une main ouverte aux instrument­s en bois qu’affectionn­e Daniel. Déclic : les deux hommes peuvent alors construire, déconstrui­re et reconstrui­re tout leur saoul les neuf pièces soigneusem­ent sélectionn­ées. Remarquabl­ement maîtrisé, l’invraisemb­lable boulot du tandem disparaît derrière une ferveur retrouvée et qui s’empare seule de ces chansons fouillées à l’extrême mais, au final, dépouillée­s de toute pesanteur inutile. Et c’est la surprise de “Don’t

Give Up”, duo sensuel avec Kate Bush, la mélancolie bouleversa­nte et nue de “Mercy Street”, la conviction éclatante et sans fard de “Red Rain”, jusqu’à la salace drôlerie quasi funk de “Sledgehamm­er”, qui voit le presque céleste Peter se convertir pour MTV en diablotin lubrique, bien que toujours correcteme­nt anti-sexiste. Et voici comment, à corps enfin fendu, Gabriel devint pop star.

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