Beastie Boys
“LICENSED TO ILL”
DEF JAM RECORDINGS
Quand sort ce premier album des Beastie Boys, le rap commence à peine à faire du chiffre. Le succès commercial phénoménal de “Licensed To Ill”, dont le titre détourne le Permis De Tuer de James Bond 007 est aussi dû au fait que ses auteurs sont trois jeunes blancs-becs. Car, en 1986, la punchline sortie par Eminem quinze ans plus tard sur “White America” est depuis longtemps une triste réalité : “Let’s do the math/ If I was black I would have sold half” (C’est mathématique, si j’avais été noir j’aurais vendu moitié moins). Grâce à des samples massifs de Led Zeppelin et même d’AC/DC (dans “Slow And Low”), les rappeurs Ad-Rock, MCA et Mike D entrouvrent une porte fusionnelle qui sera enfoncée par Run-DMC et Aerosmith avec le single “Walk This Way”. John Bonham n’aurait jamais imaginé que sa batterie sur “When The Levee Breaks” aurait servi de charpente à “Rhymin’ & Stealin’ ”, ainsi qu’à environ deux cents autres titres de hip-hop. Et les adeptes du bon goût durent s’étouffer en constatant qu’un projet comme “Licensed To Ill” (qui a failli s’appeler “Don’t Be A Faggot”, soit “Fais Pas Ta Pédale”, on a eu chaud) finisse certifié diamant vingt-cinq ans après sa sortie, cumulant dix millions de ventes rien qu’aux USA. Il faut dire que tout est jouissif dans cet album signé par trois branleurs destroy qui ne respectent rien, se plaçant du coup dans l’héritage du rock vintage tout en gardant leur crédibilité rap. “No Sleep Till Brooklyn” invite Kerry King (le guitariste de Slayer), “The New Style” défonce et “Paul Revere” met à l’honneur la boîte à rythmes TR 808. Le grand moment du disque est “(You Gotta) Fight For Your Right (To Party!)”, hymne à la bamboche débridée dont le clip montre une food fight à base de tartes à la crème dont les protagonistes sont le producteur du disque Rick Rubin, Flea des Red Hot Chili Peppers et Robert John “Mutt” Lange (entre autres). Les collègues de label des Beastie Boys, Public Enemy, répondront quelques mois plus tard avec “Party For Your Right To Fight”. Le second album “Paul’s Boutique” sera très différent et passionnant, mais il y a, ici, une sympathie particulière pour ce coup d’essai magistral.