Rock & Folk

Green On Red

- NICOLAS UNGEMUTH

“THE KILLER INSIDE ME”

MERCURY

On parle beaucoup de country aujourd’hui, dans certains magazines chic. De Palace à Beck en passant par Tarnation, l’heure est au lap steel, au yodel, au négligé outlaw. Monstre hydrocépha­le de l’autre rock américain, Green On Red savait il y a déjà longtemps que “Dreaming My Dreams” de Waylon Jennings valait largement “Exile On Main St” ou les “Basement Tapes”. Le tout était d’inoculer à ce genre trop sain divers virus suffisamme­nt toxiques. Sortis de cette nébuleuse fourre-tout du Los Angeles des premières années 80 qui donna le meilleur (Dream Syndicate, X, Gun Club, Blasters) et le pire (Three O’ Clock, Bangles, Long Ryders), le chanteur malade Dan Stuart et le guitariste extra-ordinaire

Chuck Prophet auront donc redonné ses lettres de noblesse à un genre qui méritait d’être sali : le rock country devait ainsi tuer le countryroc­k. Il fallait une hérésie. “The Killer Inside Me”, d’après le roman le plus vicieux de Jim Thompson, reste aujourd’hui comme leur manifeste, même si les puristes lui préféreron­t à jamais le trop parfait “Here Come The Snakes”. Selon Chuck Prophet, “un enfer en guitares”,

“The Killer...” doit aussi à son producteur, le sorcier Jim Dickinson (Big Star, Cramps, Alex Chilton, Stones, Stax et caetera), tout auréolé de gloire après sa terrible prestation sur le “Pleased To Meet Me” des Replacemen­ts. Seul lui pouvait laisser chanter Dan Stuart comme ça. Et laisser Prophet lâcher les chiens avec autant de finesse. Maniant son engin comme d’autres jouent de la ponctuatio­n. Maître ès dynamiques, mélodiste infini approchant la country comme Tom Verlaine avait abordé le jazz en son temps, le guitariste dialoguant avec son chanteur désespéré offre un titanesque panorama destructeu­r du folklore américain. Ode à la mort, “The Killer Inside Me” rase sur son passage toutes les fondations d’un rock alors en putréfacti­on. Gospel, soul, rockabilly et honky tonk en ressortent définitive­ment nettoyés. Le groupe, quant à lui, après un enregistre­ment qui ferait passer celui du “Berlin” de Lou Reed pour une visite à la Foire du Trône, entamait sa mort lente, définitive­ment admise en 1992. La country perdait alors ses plus élégants agitateurs. Aujourd’hui, un groupe sur deux cite Jim Thompson. C’est déjà ça.

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