Rock & Folk

John Hiatt

- FRANÇOIS BACHERIG

“BRING THE FAMILY” A&M

John Hiatt dit un jour : “A l’époque, on n’a jamais pu faire sonner cette chanson avec le groupe.” La chanson, c’est “Have A Little Faith In Me”, que John Hiatt joue désormais seul au piano : un hymne de soul blanche du calibre de “Forever Young” ou de “Let It Be”. Le groupe, c’est Ry Cooder, Nick Lowe et Jim Keltner (le

batteur de studio depuis 1971), donc pas des manchots. On connaissai­t peu John Hiatt à ce moment-là : il était apprécié de ses pairs, mais ses albums passaient inaperçus du grand public. Avec “Bring The Family”, il s’imposera définitive­ment. Hiatt s’enferme quatre jours en studio avec son gang et accouche d’un album au son très live. C’est déjà un exploit : en 1987, les idoles de Hiatt, Dylan et les Stones, débloquent et les gardiens de l’authentici­té s’appellent Dire Straits... Hiatt ressuscite en fait surtout un esprit, celui d’un rock franc et simple joué par un ensemble soudé. Ry Cooder, souvent modeste en solo, se déchaîne tout particuliè­rement, tricote de gros riffs (ceux que Keith Richards lui a empruntés) ou se fend sur “Lipstick Sunset” d’un solo de bottleneck beau à pleurer. Et que dire de la précision implacable de Keltner (“Thank You Girl”) ou de la basse mélodique de Nick Lowe (“Alone In The Dark”) ? Mais on reste surtout épaté par l’assurance de John Hiatt, capable d’emmener une telle bande, et l’auditeur avec, dans un climat proche de l’euphorie ou de la sérénité. Ce ton optimiste est un miracle quand on sait par quelles épreuves (dépression, suicide de sa première femme) était passé le chanteur avant cet album de la dernière chance : il y a une confiance dans certaines valeurs, pas très no future, qui sonne juste dans cette bouche. Et l’humour reste omniprésen­t dans les textes, coups de sonnette sur “Memphis In The Meantime” ou l’irruption d’un sitar très George Harrison à la mention des enfants du Tiers Monde. On retrouvera ce même cocktail sur l’album suivant, “Slow Turning”, mais sans ce groupe fabuleux, brouillé pour des raisons d’ego. Les quatre se reformeron­t en fait sous le nom de Little Village sans jamais retrouver la même entente. Quant à Hiatt, il a depuis sorti une douzaine de disques, moins bons, et un album live au Budokan... qui provient d’une tournée américaine : seul le kimono sur la pochette est japonais.

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