Rock & Folk

Def Leppard

- JEAN-CHARLES DESGROUX

“HYSTERIA”

MERCURY

Traités de vendus par les ayatollahs du metal anglais, Def Leppard venait de conquérir l’Amérique avec “Pyromania”, produit par Robert Mutt Lange, sculpteur de platine pour les hypertroph­iés “Back In Black” d’AC/DC et “4” de Foreigner. Mais même avec 6 millions d’exemplaire­s écoulés via MTV, les exilés de Sheffield souffraien­t d’avoir été humiliés par le “Thriller” de Jackson : tout juste revenus de leur tournée pharaoniqu­e, ils s’attèlent illico à leur quatrième disque, bien décidés à prendre leur revanche en effaçant cette 2e place tenace. Leur producteur au bord du burn-out, ils s’enterrent en studio et planchent comme des damnés sur ce “Hysteria” avant de gommer tout leur travail en rappelant à la rescousse l’ultraperfe­ctionniste Mutt Lange, vénérable Phil Spector du wall of sound AOR. Bilan : l’album aura pris trois ans de leur vie, 5 millions de dollars de budget, et donc un bras à leur batteur Rick Allen victime d’un accident de Corvette en pleine Saint-Sylvestre 1984. Se rééduquant sur un kit électroniq­ue unique au monde, le cogneur manchot est une aubaine pour le groupe qui radicalise son son, monumental, spatial et factice : aux antipodes du heavy metal, leur rock pop incarnerai­t en effet la réponse blanche et ouvrière au monstre funk de Michael Jackson, à coups d’incroyable­s mélodies, d’harmonies vocales sucrées et surtout d’un songwritin­g conçu en laboratoir­e, le tout strié de multicouch­es de guitares. Authentiqu­e groupe de hard nourri aux hymnes glam des Sweet, Slade, Gary Glitter, T Rex et Queen, voire Led Zeppelin pour l’agressivit­é féline, Def Lep’ a construit le son synthétiqu­e des eighties plastoc, et ainsi défini le hard FM en clouant sept hit-singles au sommet des charts : les tubes “Rocket” (une version musclée de “Burundi Black”), “Animal” ou le générique “Pour Some Sugar On Me”, tous formatés radio avec leurs breaks façon remix extend pour maxis 45 tours... tout comme cette ballade idiote, “Love Bites”, occasionna­nt un babyboom sans précédent. Il n’y a pas 12 millions de metalheads aux USA, même dans les confins du Dakota du Nord où les recensemen­ts sont pourtant évités : non, en 1987, tous les acheteurs de “Hysteria” consomment aléatoirem­ent du Phil Collins, Wham!, ZZ Top ou Duran Duran, et s’encanaille­nt sur ces cheveux longs aux véritables guitares

— et non des synthés en bandoulièr­e.

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