Jane’s Addiction “RITUAL DE LO HABITUAL”
Alors que Los Angeles commençait à dangereusement sombrer dans la torpeur vers la fin des années 80, Jane’s Addiction tomba à point pour lui refiler un énorme électrochoc. Bordélique, brillant et inclassable, le combo de Perry Farrell était déjà tout cela lors de la sortie, en 1987, de “Jane’s Addiction”, son premier et seul album pour un label indépendant. Sa réputation grandissant au rythme de concerts épiques, les grosses maisons de disques s’entre-déchirent à coups de millions de dollars pour le signer. Grâce à une somme colossale, Warner gagne la partie et commercialise en 1988 “Nothing’s Shocking”. A mi-chemin entre l’art-rock et le metal indépendant, ce deuxième LP permit à Jane’s Addiction de décrocher son premier disque d’or, même si la pochette (une photo en noir et blanc de deux soeurs siamoises nues sur un canapé) déclencha la censure ridicule de certains revendeurs. Les pires rumeurs circuleront sur Perry Farrell — il serait séropositif — et son guitariste Dave Navarro — il aurait un pied dans la tombe en raison d’une consommation effrénée d’héroïne — avant que le groupe ne publie, en 1990, son chef-d’oeuvre : “Ritual De Lo Habitual”. Là encore, la pochette (trois statuettes représentant, nus, Farrell, sa girlfriend et une amie) provoque une formidable controverse. Et une interdiction. Le disque est alors distribué enveloppédans du papier marron sur lequel est imprimé le premier amendement de la constitution des USA : celui, entre autres, de la liberté de parole. Sur cet effort totalement débridé, Jane’s Addiction est à son zénith, parfaitement servi par le jeu intelligent et subtil de
Dave Navarro, futur soliste des Red Hot Chili Peppers. Des titres comme “Been Caught Stealing” ou “Stop” appartiennent déjà au patrimoine du rock indépendant américain. Portés à bout de bras par la rythmique en béton orchestrée par le batteur Stephen Perkins et le bassiste Eric Avery, ces morceaux sont définitivement personnalisés par les riffs ravageurs de Navarro et la voix iconoclaste de Farrell. Se sentant trop à l’étroit dans Jane’s Addiction, Perry l’androgyne dynamitera son groupe quelques mois après la première tournée de Lollapalooza pour fonder Porno For Pyros, formation moins tranchante et attachante. Dommage pour Jane’s Addiction. CYRIL DELUERMOZ