Kid Creole & The Coconuts
“TROPICAL GANGSTERS”
Comme tous les clowns de talent, August Darnell prend sa bouffonnerie très au sérieux. Quand il propose son troisième album sous alias Kid Creole, il est au top de son concept : un Cab Calloway funky aux tenues ébouriffantes, zoot suits et chapeaux tropicaux, avec des compositions disco à l’arôme exotique toc mais chargé en guitares funky. Ce n’est pas un hasard si, en écoutant le superbe “I’m A Wonderful Thing, Baby”, on pense à “Good Times” de Chic : même fausse exubérance, même nostalgie bâtie sur des guitares tricotées par des orfèvres. La tendance rythmique est évidente, et on s’éloigne du pastiche hollywoodolatino de “Off The Coast Of Me“et “Fresh Fruit In Foreign Places”, les deux premiers LP. Les Coconuts, trois choristes dont celle qui est alors l’épouse du Kid, l’héritière suisse Adriana Kaegi, sont la touche sexy du disque. Sugar-Coated Andy Hernandez alias Coati Mundi, joue le rôle du bouffon, le hypeman plein d’énergie, la bête de scène, indispensable contrepoint au débonnaire August, lider maximo, auteur/ compositeur de la quasi-totalité des huit morceaux de ce disque enregistré à New York, dans les studios Blank Tapes et Electric Lady. L’autre tube, c’est “Stool Pigeon”, l’histoire d’un ex-taulard devenu indic qui dénonce ses anciens complices. Le refrain est imparable, les cuivres sont en fusion, les cordes du disco king Carlos Franzetti sont d’un luxe absolu, la voix suave de Kid fond comme du beurre sur la plage de B’Dilli Bay. Sorti sous le titre de “Wise Guy” aux USA et au Canada, ce disque marquera la brève accession de Kid Creole & The Coconuts dans le club très fermé des gros vendeurs, et assure au label ZE des revenus considérables. On apprendra plus tard que le disque n’est pas celui que Darnell aurait voulu. Trop R&B, trop commercial. “Cet album est un compromis, a déclaré le Kid au NME. Ça aurait dû être un solo d’August Darnell mais la maison de disques a préféré le sortir comme un album de Kid Creole.” C’est pourquoi Coati Mundi en est quasiment absent (il est au contrôle de “I’m Corrupt”, et c’est presque tout). C’est également pour ça qu’August déclara 25 ans plus tard n’avoir jamais pu écouter son disque avant un long moment. Honnête, il a ajouté : “Quand on obtient le succès, l’argent, les voyages et une vie de rêve, on se dit qu’il fallait peut-être en passer par là.”