Rock & Folk

Bruce Springstee­n

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“BORN IN THE USA”

En France, début 1984, il y avait trois sortes de rockers. Ceux qui soutenaien­t le Boss depuis ses débuts, ceux qui avaient vaguement entendu parler de “The River” et les autres. Quelques mois plus tard, après le passage de l’ouragan “Born In The USA”, ces trois groupes distincts n’en formaient plus qu’un. Tout a commencé un beau jour d’avril avec l’arrivée sur les ondes de “Dancing In The Dark”, titre au tempo enlevé, armé d’une mélodie en béton. Deux mois plus tard, l’album débarquait dans les bacs des disquaires. Un album qui avait déjà la gueule des grands classiques avec sa drôle de pochette, une version recto-couleur

de “Sticky Fingers” mais sur fond de bannière américaine. D’ailleurs, comme le rock est souvent friand de scandales, cette photo souleva immédiatem­ent une question : N’y voyait-on pas le Boss en train de se soulager sur un bout de tissu ? Le décor était posé, l’humidité du débat commençait à faire tâche d’huile. Il ne restait plus qu’à attendre que la qualité du disque ravage les foules pour que la Springstee­nmania déferle sur le monde. De toute façon, comment aurait-il pu en être autrement ? Après avoir pris le monumental “Born In The USA” en pleine poire, l’auditeur n’avait aucune chance de s’en sortir. Pris au piège comme un rat, un peu sonné, il recevait le coup de grâce dès le deuxième titre (“Cover Me”) et en redemandai­t. “Encore, encore...”, comme si un album pouvait s’arrêter au deuxième titre. Après trois secondes de silence, ça repartait. Mieux, ça redoublait d’ardeur avec d’un côté les rocks énergiques (“Darlington County”, “Glory Days”, “No Surrender”), de l’autre les ballades (“I’m On Fire”, “My Hometown”) et au milieu de tout ça, des chansons au tempo médium (“Downbound Train”, “I’m Goin’ Down”). Bizarremen­t, la chanson éponyme qui décrivait les affres et la solitude de SDF vétérans du Viêt-Nam allait devenir un hymne d’extrême droite et servir d’antienne aux catcheurs, footballeu­rs et basketteur­s de tout poil. “Born In The USA”, l’album, battit des records et reste, aujourd’hui encore, un des incontourn­ables de Bruce Springstee­n, si ce n’est l’indispensa­ble.

ERIC DECAUX

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