Frankie Goes To Hollywood
“WELCOME TO THE PLEASURE DOME”
Depuis le temps qu’il en rêvait, cela devait arriver. Trevor Horn, Dr Jekyll des SSL, finirait tôt ou tard par créer son monstre, sa créature, son Mr Hyde. Pour beaucoup, ce fut en 1982, lorsqu’il transforma ABC, honorable combo soul de Sheffield, en une pyramide luxuriante. “The Lexicon Of Love”, son premier album, reste la plus belle production de Trevor, revenu en courant des Buggles, de Yes, mais certainement pas de lui-même. Qu’à cela ne tienne, Paul Morley, seul journaliste capable de rayer la moquette en souriant, réconforta Horn et, pour se venger, les deux compères signèrent Frankie Goes To Hollywood, de Liverpool, sur leur label ZTT. Lorsqu’en 1984, sort le double album “Welcome To The Pleasure Dome”, FGTH est tout simplement, en termes de ventes de singles et de notoriété commerciale, le groupe anglais le plus important depuis les Beatles et T Rex. Bien sûr, “Relax”, “Two Tribes”, “The Power Of Love”, les trois
45 tours atomiques, sont dessus. Mais en fait, ce qui frappe d’emblée avec ce mastodonte, c’est sa richesse, avec un plan à la seconde (“Welcome...”), sa vitalité, toute en esbroufe pop (“Born To Run”) ou en virtuosité contrôlée (Steve Howe aux guitares) et la maestria de Trevor Horn, ce Spector des années 80, instigateur du son génialissime et estampeur. Même les plus discrètes “San Jose”, belle et triste comme un premier de l’an passé dans un Wimpy de Brighton, ou “Ferry Cross The Mersey” qui faillit coûter son pacemaker à Gerry Marsden, sont intouchables. Bien sûr, le scandale qui s’ensuivit, lorsqu’on apprit que FGTH ne jouait pas sur ce disque (ni sur les singles précédents, ce qui ne fit que confirmer les doutes), ternit un peu l’ensemble. Finalement, la plus grande escroquerie du rock’n’roll n’aura pas été commise par les Sex Pistols mais par deux types malins comme des singes, enivrés à la musique et au fric, qui ne conservèrent d’un groupe excellent — FGTH assurait pourtant un max sur scène — que le nom fabuleux et la voix admirablement Bowie’s in the Backroom du chanteur Holly Johnson. En définitive, que “Welcome To The Pleasure Dome”, admirablement conçu, soit faux d’un bout à l’autre ne fait qu’ajouter à sa légende. JEROME SOLIGNY