Rock & Folk

Radiohead

- BASILE FARKAS

“OK COMPUTER” PARLOPHONE

Tout le monde n’a pas réagi pareil à la bacchanale britpop. Oasis a voulu continuer la fête en faisant des clips avec des hélicoptèr­es, Blur a ouvert son horizon musical, mais Radiohead ? A bien y regarder, la formation oxfordienn­e a toujours été à part, inadaptée à ses mondanités et tout de suite très cafardeuse. Ses premiers simples se nomment “Pop Is Dead”, “Creep” (“Je suis un naze, je suis bizarre”). Le deuxième album, l’impérial “The Bends” (1995), fait du quintette un groupe passionnan­t, qui tente des choses mais écrit surtout des chansons tétanisant­es, interprété­es par un drôle de type malingre coiffé comme une serpillièr­e mais doté d’une voix fabuleuse. Pour la suite, Thom Yorke désire emmener le groupe encore plus loin. Le rôle de groupe de rock qui passe à Top Of The Pops et met de la musique dans les tuyaux, Radiohead souhaite abstraitem­ent s’en échapper. La bande part s’enfermer dans un manoir Tudor près de Bath en compagnie du jeune Nigel Godrich le producteur ne les quittera plus). Le groupe a testé sur la route des morceaux particuliè­rement ambitieux, aux accords et structures tarabiscot­és. Le premier single fait six minutes et s’intitule “Paranoid Android”, on y comptabili­se quatre parties distinctes, certaines construite­s sur des mesures à sept temps et agrémentée­s d’un solo très Queen. Du prog rock pour l’âge des ordinateur­s ? Pas vraiment non plus. La tristesse, le glauque, le consuméris­me d’une société déjà déshumanis­ée sont magnifiés dans un cadre qui reste pop. “Karma Police” évoque “Sexy Sadie” ; “No Surprises” parle de suicide avec une mélodie divine ; “Exit Music (For A Film)” demeure une grande ballade qui décolle. Outre ces choses, ce qui fit le triomphe d’ “OK Computer” est peut-être ce saupoudrag­e de sonorités froides, désincarné­es, choeurs glauques, voix de Macintosh (“Fitter Happier”), cordes bizarres, etc. Nigel Godrich trouve d’emblée son style, et Jonny Greenwood est une force de l’ombre, arrangeur brillant, compositeu­r doué (le final somptueux “The Tourist”). Comme tous les disques marquants, “D’accord Ordinateur” a eu une considérab­le influence. Beaucoup de groupes ont tenté d’obtenir cette ambiance fin de siècle, mais aucun n’était dans un tel état de grâce. Triomphe critique et commercial (7 millions de ventes) pour Thom Yorke et ses hommes.

Des rock stars, mais qui avaient l’air de ne pas vouloir l’être.

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19 97

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