Rock & Folk

Spirituali­zed

- THOMAS E. FLORIN

“LADIES AND GENTLEMEN WE ARE FLOATING IN SPACE” DEDICATED

En huit ans, Peter Kember (Sonic Boom) et Jason Pierce (J Spacemen) ont payé leur dû au Gun Club, Velvet Undergroun­d, Sun Ra et à la drug culture en donnant vie à l’un des groupes les plus vénéneux d’Angleterre : les Spaceman 3. Puis Jason Pierce partit en 1991, avec l’ensemble des musiciens et le contrat de la maison de disques, fonder Spirituali­zed, laissant son alter ego sur le bas-côté. En 1995, Pierce s’attaque au 3ème album du groupe qu’il construit autour d’une rupture au carré : rupture avec la claviérist­e Kate Radley, qui se mariera avec Richard Ashcroft et avec l’esthétique purement shoegaze des albums précédents. Pierce s’installe à Bath, à l’ouest de Londres, pour composer sa symphonie introspect­ive, ces 70 minutes de musiques, douze titres, qui nous plongent au centre de la psyché d’un homme de 30 ans meurtri. Flippant. Après un an et demi de travail, en juin 1997, “Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space” se fait une place dans les charts anglais pas si loin de “OK Computer” de Radiohead et “Urban Rythm” de The Verve. L’étrange hommage à la musique du Sud des Etats-Unis, emballé comme une boîte de médicament par l’artiste Mark Farrow, est cueilli par cette génération d’anglais pour qui nuit rime avec ecstasy. L’album s’ouvre par un coup de fil de la belle Kate, annonçant “Mesdames et messieurs, nous flottons dans l’espace”, puis le texte bitterswee­t de Pierce se mélange au “I Can’t Help Fallin’ In Love” d’Elvis, harmonisé par la chorale gospel du London Community. Beau et glaçant. Pierce triture les parties live du groupe à coup de séquenceur Atari, construisa­nt son propre mur de son, où se fracassent des arrangemen­ts de cuivre façon tour de chant soul — “Come Together”, “I Think I’m In Love”. Audessus de l’entremêlem­ent des basses, harmonicas, orgues, guitares, les voix montent toujours plus haut, en quête d’air, et l’auditeur est submergé. Voici une musique d’église — “No God Only Religion” — ventant un paradis malade, car artificiel. Quand l’album semble se calmer, le malaise s’épaissit dans des chansons de malheur amoureux — “Stay With Me”, “Broken Heart”, “Home Of The Brave”, jusqu’à ce “Cool Wave” aux arrangemen­ts de cordes romantique­s, opérées par Alexander Balanescu et son quatuor. Cette descente aux enfers s’achève par le titanesque “Cop Shoot Cops”, bringuebal­é par le piano de Dr John himself, s’ouvrant sur ces phrases perverses : “Hey man, there’s a hole in my arm where all the money goes/ Jesus Christ died for nothing, I suppose.” Dix-sept minutes plus tard, le silence se fait, achevant ce transfert d’eau sale avec lequel on doit vivre, à tout jamais.

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19 97

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