Massive Attack
“MEZZANINE” CIRCA RECORDS/ DELABEL
Dans l’histoire somme toute récente de l’architecture électronique, Massive Attack tient bien plus des Pharaons que de Le Corbusier. Loin des cadences infernales du monde techno, ce posse à géométrie variable issu d’une mythique Wild Bunch construit “Blue Lines” en 1991 puis “Protection” en 1994 soit deux monuments aux sommets inégalés qui marquent d’une pierre blanche tout ce qui n’est pas dans l’oeil du dance-floor. Pas vraiment trip-hop, propulsés chefs de file de la cité désormais starissime de Bristol, les trois cerveaux de Massive voient leur soul visionnaire dubbé, rappée mais aussi poppy assimilée à des bricolages neurasthéniques dont mélodie et sensualité sont bannies. Depuis Tricky, échappé de Massive, triture sauvagement sa noirceur jusqu’aux limites de l’expérimental tandis que le plomberie trip-hop se mord la queue et la révolution jungle se met à toutes les sauces. Donc dix ans après le premier single et quatre années après le dernier “Protection”, “Mezzanine” était particulièrement attendu au coin de l’innovation. Ni révolutionnaire, ni rétrograde, cette troisième attaque se révèle plus dure, plus sombre, moins voluptueuse, moins vaporeuse même si elle se teinte, chose nouvelle, d’orientalisme via le banghra. Fidèle des fidèles à la voix de miel et d’or, Horace Andy illumine “Man Next Door” tandis que même divine, Liz Frazer des Cocteaux Twins, a du mal à éclipser sur “Teardrop” les divas précédemment enrôlées (Shara Nelson, Nicolette). En perpétuel (dés)équilibre, en danger permanent, cette “Mezzanine” est faite pour durer, contrairement à tant d’albums brinquebalants.