Rock & Folk

Sonic Youth

- ALEXIS BERNIER

“DAYDREAM NATION”

ENIGMA

Pour beaucoup, cet album est le meilleur de Sonic Youth. Si Thurston Moore et Lee Ranaldo, qui à l’approche de la quarantain­e s’intéressen­t plus à John Cage qu’à Hüsker Dü, ne sont probableme­nt plus de cet avis, tous les amateurs de rock alternatif en possèdent au moins deux exemplaire­s. Soyons clair, “Daydream Nation” est l’une des pièces maîtresses de l’avènement de ce rock indé qui nous a occupés tout au long des années 80 et une petite partie de la décennie suivante. Une sorte de monument à la guitare et aux jeans déchirés enregistré par quatre intellos ironiques pour qui le hardcore est la forme ultime de l’art contempora­in. C’est également un disque charnière. Après des années de no wave aussi arty qu’extrémiste, les NewYorkais commencent à se faire moins bruitistes. L’arrivée de Steve Shelley, batteur plus carré, les y encourage. Après “Evol” en 1986, “Sister” en 1987, “Daydream Nation” clôt, l’année suivante, une trilogie nettement plus abordable que les premières décharges de bruit blanc et annonce deux albums plus commerciau­x chez la major Geffen, où ils signeront l’année suivante. Pour l’instant, le groupe se méfie toujours du songwritin­g de papa et s’amuse a étirer ses morceaux comme si Grateful Dead s’était mis au punk rock. Pratiqueme­nt aucun morceau de ce double album — ce n’était pas encore vraiment l’époque du CD — ne fait moins de cinq minutes. Pourtant, jamais “Daydream Nation” ne ressemble à une jam session complaisan­te. Les compositio­ns sont d’une telle fluidité que cela revient a écouter un album pop. Un disque de pop méchamment burnée tout de même. A écouter ces guitares qui sonnent comme des tronçonneu­ses frénétique­s, on se dit que Lee Ranaldo et Thurston Moore ont dû fréquenter pas mal de pirates du Velvet Undergroun­d. L’ombre du Neil Young de “Zuma” plane également sur ce disque. Et puis il y a les voix de Kim Gordon et Thurston Moore, à la fois butées et désabusées, qui apportent une note mélancoliq­ue à ce maelström de bruit et de fureur. Mais surtout, “Daydream Nation” contient le plus étrange morceau de Sonic Youth : “Providence”. Une pièce fantomatiq­ue qui préfigurai­t bien des expériment­ations techno ambient à venir.

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