Rock & Folk

La Souris Déglinguée

- H.M.

“QUARTIER LIBRE”

MUSIDISC

Quand ils enregistre­nt “Quartier Libre”, Tai-Luc et sa bande ont formé La Souris Déglinguée depuis une dizaine d’années et acquis une réputation sulfureuse à travers un premier album offensif et quelques concerts agités. Mais ils tournent en rond et souhaitent élargir leur public au-delà des aficionado­s oi! qui les suivent fidèlement : ils ne se contentent plus du registre de rock primaire dans lequel on les a catalogués un peu trop précipitam­ment. Au début des années quatre-vingt-dix, ils vont s’offrir un véritable virage avec “Banzaï” qui s’ouvre largement au rap et aux influences asiatiques mais calme le ton et se démarque de leurs fondamenta­ux énervés, à tel point que deux des membres du quatuor initial prennent alors le large. Quelques années plus tôt, ils cherchaien­t à évoluer sans rompre avec leur rage initiale, et l’album “Quartier Libre” témoigne de cette période où ils parvenaien­t à préserver ces deux options avec brio. L’arrivée d’un saxophonis­te a enrichi leur palette sonore et ils s’essaient à d’autres rythmes, que ce soit le ska (“Khun Sa Blues”), le dub (“Jeunesse De France”) ou le rhythm’n’blues (“Quartier Libre”, “Rappelle-Toi”), sans pour autant renoncer aux rythmes trépidants (“Partir Sans Dire Adieu”) et à l’option rock à guitares. La forme évolue vers davantage de sophistica­tion et s’écarte du caractère monocorde et tout d’une pièce des premiers essais, mais l’esprit reste punk, comme en témoignent de nombreux morceaux pétaradant­s (“An 2000”, “Jo”) et la reprise détonante de “Caravan”, le classique jazzy de Duke Ellington, sur le mode punkabilly. En revêtant des atours plus attrayants, les brûlots acquièrent une efficacité accrue et les tentatives d’ouverture dépotent au diapason de chansons coups de poing. Cet album charnière évolue sur une ligne de crête entre l’énergie débridée des débuts et la volonté d’émancipati­on des disques suivants. Il est porté par un souffle et une fougue impression­nants, mais aussi par la force et la concision de morceaux qui ne dédaignent plus l’impact mélodique, malgré un chant à l’arraché. Sa préoccupat­ion d’un nouvel équilibre met en valeur le charme des textes de Tai-Luc, chroniques d’une époque désormais révolue, et sa musicalité lui permet, quelques décennies plus tard, de rester l’un des sommets du punk rock français.

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