St Vincent
“ST VINCENT” CAROLINE/ UNIVERSAL
Annie Clark ne manque pas de confiance en elle. Elle dit s’inspirer d’Einstein pour son style visuel (!), avoir appris l’intrépidité avec David Byrne — même si leur collaboration a pu décevoir — cite Miles Davis pour expliquer que son quatrième album se contente de porter son nom (de scène) comme titre parce qu’elle a désormais vraiment trouvé sa voie... Et elle n’a pas tort. Car il n’est pas dit que d’ici la fin de l’année, on entende musique qui allie avec une telle virtuosité et une telle intelligence les contraires pour repousser les limites de ce que peut être la pop de 2014. “St Vincent” est à la fois charnel dans la voix pure d’Annie Clark et totalement dématérialisé et re-synthétisé, informatisé, jusqu’au moindre son de batterie, souvent tenue par l’homme des très soul DapKings, un bon indicateur du côté dansant du disque. Dansant, certes, mais à condition de ne pas se laisser déstabiliser par les contretemps vicieux et les cassures incongrues, le plus souvent introduits par la guitare vibrionnante et distordue de la musicienne, qui n’oublie jamais le côté freak qu’il y a dans control freak — dans le genre, on n’est pas près d’oublier le riff tellurique débarquant au milieu des insanités surréalistes proférées d’une voix angélique sur “Huey Newton”, hommage très personnel au fondateur des Black Panthers. Annie Clark nous emmène certes dans une étrange forêt de sons, mais sans semer personne en route en balisant le chemin, en guise de petits cailloux, de hooks énormes et de mélodies qui ne quittent plus le cerveau. Bref, elle reprend crânement le fil d’une pop mutante qui a pu être jalonnée par l’Eno d’ “Here Come The Warm Jets”, le Bowie berlinois ou le Prince mid-eighties.