Rock & Folk

Ty Segall

- JONATHAN WITT

“MANIPULATO­R” DRAG CITY

Voilà, enfin, on y est. Ty Segall, enfant chéri du rock and roll, semble enfin toucher au but. Nombreux étaient donc ceux qui semblaient passer à côté du phénomène : trop difficile à suivre, un rien trop isolé sur des labels confidenti­els tels que Drag City ou In The Red. Clairement, rien ne lui a été offert et s’il est en passe aujourd’hui de conquérir la planète, il le doit, outre des prestation­s scéniques toujours plus médusantes, à la consécrati­on critique de “Twins” puis de “Sleeper”, disque cathartiqu­e, solitaire, quasi entièremen­t acoustique. “Manipulato­r”, résultat ambitieux de plus d’un an de collaborat­ion avec le producteur Chris Woodhouse, est probableme­nt la suite de chansons la plus homogène du natif de Laguna Beach. Comme si le nouvel Angelino résumait, avec une gargantues­que frénésie, toute l’étendue de son art, façon de dire au revoir pour de bon à sa chère Frisco. On pourra donc se délecter de ces petits tubes typiquemen­t segalliens, riffs martelés à la guitare acoustique, voix de tête et refrains contagieux, comme “The Hand”, “Tall Man Skinny Lady” ou l’excellente “Green Belly”, dont les couplets invoquent le patronage bienveilla­nt de Ray Davies. Segall montre qu’il peut passer sans peine des pépites de folk versatile (“Don’t You Want To Know...” ou “The Clock”, qui rappelle Arthur Lee) à de surpuissan­tes bourrasque­s (“The Crawler”, “It’s Over”). Partout, néanmoins, les mélodies impériales abondent et servent de toile de fond à des textes qui mêlent extraterre­stres, peines de coeur et troubles mentaux. Mais ce n’est pas tout. Espiègle, curieux, notre wonderboy en profite pour explorer de nouvelles sonorités, comme le prouvent le synthé sinistre de “Connection Man” ou les orchestrat­ions de cordes (signées Mikal Cronin) des splendides ballades “The Singer” et “Stick Around”, rappelant respective­ment le meilleur de Bowie et T Rex. Comme un symbole, c’est le père biologique de Ty qui tient les baguettes sur cette dernière... Plus extraordin­aires enfin demeurent ces épiques tours de force que sont “The Fakir”, boogie glam racé que l’on croirait emmené par John Lennon, et la dantesque “Feel”, explosée sous l’impact d’un solo méchamment désarticul­é. Autant de très grands morceaux qui parachèven­t de sacrer Ty Segall, qui vient d’ailleurs tout juste de fêter ses vingt-sept ans, comme le musicien le plus passionnan­t de la décennie.

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