Allah-Las
“WORSHIP THE SUN” INNOVATIVE LEISURE
Beach Boys, Byrds, Love, Dennis Wilson, Harry Nilsson, Jack Nitzsche, Neil Young, Fleetwood Mac, Curt Boettcher... Les gens sensibles le savent bien : Los Angeles n’a pas hébergé que des skateurs en pantacourts. L’âme de la ville est mélancolique. Elle est dans le fog,
les soirées décadentes de Laurel Canyon, l’horizontalité fascinante, l’architecture mexicano-bordélique, le Pacific Ocean blues
et toutes les fantasmagories. Pas un hasard si une ribambelle de bons groupes ont émergé de l’underground californien ces récentes années. Réunis depuis 2008, les Allah-Las sont probablement les quatre branleurs les plus attachants de la région. Des types qui auraient pu continuer de taquiner la vague ou rêvasser sur le sable mais qui ont décidé de se mettre au boulot pour boucler voici deux ans un ravissant premier album aussi bon que celui-là. Du garage rock, mais teinté de tristesse, car conçu par un groupe dont tous les membres traversaient alors une rupture sentimentale douloureuse. L’humeur, ici, est assez similaire, les Allah-Las sont restés quoi qu’on en dise des garçons aux goûts résolument classiques. Ouverts à tous les styles dans la vie, mais n’utilisant dans les faits que du matériel très sixties. Nick Waterhouse, à nouveau présent à la production, ne fait qu’accentuer ce pli. Le débat sur le conservatisme éventuel de ce genre de groupe devient d’ailleurs caduque dès l’introduction : “De Vida Voz”, amorce élégante et délicate, avec choeurs, guitares et maracas. Mixée quasiment sans batterie, comme un morceau de “Forever Changes”. Dès “Had It All”, l’arme secrète des AllahLas fait son entrée : la guitare 12-cordes ! En l’occurrence une vieille Murph Squire dont Pedrum Siadatian se sert avec agilité et beaucoup de reverb. Ailleurs, “Better Than Mine”, enlevée et pleine de slide, prouve que nos héros du jour savent aussi rendre hommage aux Byrds de l’époque country. On maîtrise ici un art de la chanson simple, et donc beaucoup plus compliqué à réaliser qu’il n’y paraît. Avec une palette d’accords réduite mais beaucoup de coeur, les 12 titres (14 sur le CD) touchent tous au but. Du rock’n’roll au coeur brisé, sentimental et idéaliste, mais jamais doucereux. Intemporel. Beau. L’envie nous prendrait presque de vivre en espadrilles et de faire du feu sur la plage. C’est dire si ces Allah-Las ont du talent.