The Residents
“THE THIRD REICH ’N ROLL” RALPH
Les Residents ont tellement bien réussi dans leur désir d’anonymat que, vingt ans plus tard, lorsque enfin ils ont enlevé leurs masques de formes bizarres et variées, on s’aperçut que personne ne les connaissait. Aucun musicien n’est crédité de quoi que ce soit, à l’exception de leurs auxiliaires intermittents comme Snakefinger, il ne s’agit pourtant pas là d’un caprice mais de la volonté de focaliser l’attention de l’auditeur sur le disque lui-même et uniquement sur lui, sans idées préconçues. Venus de la Louisiane, ils se sont installés d’abord à San Mateo, puis à San Francisco même où ils fondent en 1972 leur propre label, Ralph Records. Après “Meet The Residents”, en 1974, qui leur valut quelques problèmes avec la Beatles corporation, et “Blorp Esette” au tirage très limité, “The Third Reich ’N Roll”, troisième album, paraît en 1976 et connaît lui aussi des petits ennuis avec la censure, les croix gammées exhibées sur la pochette n’étant pas du goût de tout le monde. Le rock’n’roll serait-il assimilable à une forme de lavage de cerveau, planifiée par des fascistes ? Quoi qu’il en soit, cette réinterprétation semi-phonétique du Top 40 des années soixante, nos racines comme le disent eux-mêmes les Residents, mérite qu’on y jette une voire deux oreilles. Bien que, d’un point de vue strictement technique, leurs compétences instrumentales soient plutôt limitées, les Residents possèdent au plus haut point l’art d’accommoder les machines, bidouiller les bruits, désarticuler les voix, déstructurer les mélodies. “The Third Reich ’N Roll” se présente sous la forme de deux grandes suites faisant la part belle aux synthés, percussions électroniques, bruitages et collages. La première, “Swastikas On Parade” démarre sur “The Twist” et “Land Of 1000 Dances”. Claviers et cuivres sont parfois utilisés à la façon de Frank Zappa époque Mothers Of Invention tandis qu’une cantatrice vient momentanément se perdre dans ce magma sonore. Les paroles sont, bien entendu, pratiquement inintelligibles. La seconde, “Hitler Was A Vegetarian”, s’attaque d’emblée à “96 Tears” et enchaîne sur “Louie, Louie” et “Pushin’ Too Hard”. Noter également une version guitares/ choeurs de “Hey Jude” qui rend enfin l’infâme ballade bêlante audible. Cette visite du patrimoine culturel s’avère un exercice salutaire.