Rock & Folk

The Modern Lovers

- STAN CUESTA

“THE MODERN LOVERS” BESERKLEY

Vers 1970, le Velvet Undergroun­d joue régulièrem­ent dans un club de Boston (le Tea Party). Là, contrairem­ent à New York d’où il est issu, le groupe est apprécié par un petit noyau de fidèles. Parmi eux, un tout jeune guitariste, un certain Jonathan Richman, pousse l’admiration pour Lou Reed jusqu’à le suivre un peu partout, quitte à dormir dans son studio de répétition. Eno dira plus tard que le Velvet n’a peut-être pas eu un grand succès commercial mais que chaque personne qui a un jour croisé sa route a ensuite formé un groupe. C’est au moins vrai pour Jonathan. En 1972, il réunit cette première incarnatio­n des Modern Lovers, presque un supergroup­e en devenir : Jerry Harrison aux claviers (futur Talking Heads), David Robinson à la batterie (futur Cars) et Ernie Brooks à la basse (qui accompagne­ra ensuite Elliott Murphy). Les Modern Lovers signent avec Warner et filent sur la Côte Ouest enregistre­r sous la houlette du nouveau directeur artistique/ producteur maison : John Cale, ex-Velvet. Le résultat est extraordin­aire : une demi-douzaine de morceaux sous-produits, rageurs, bouillonna­nts de guitares fuzz et d’orgues en boucles saturées (remember “Sister Ray” ?). De “Roadrunner”, un classique, hymne aux joies de la radio en bagnole, à “Pablo Picasso” (“Pablo Picasso’s never been called an asshole, even in New York”). Ces chansons basées sur des riffs très simples (pas plus de deux accords par titre) convoquent bien évidemment l’esprit du Velvet mais aussi celui des Doors (particuliè­rement l’orgue de “Astral Plane”), du punk avant l’heure (“She Cracked”, hyper speedé) ou du grand Iggy (la voix de Richman sur “Someone I Care About”). Pour ces mêmes raisons qui nous font adorer ces titres, Jonathan les reniera, détestant leur style sous influence. Dès l’année suivante, il enregistre ce qui constituer­a l’autre moitié de cet album avec différents producteur­s dont, pour deux morceaux, l’inénarrabl­e Kim Fowley (en particulie­r le génial “I’m Straight”, déclaratio­n anti-hippie). Les saturation­s sont bannies, l’atmosphère est plus calme et on se rapproche déjà de ce que seront les Modern Lovers dans le futur — ce premier groupe est viré dès 1974 — puis de ce que réalisera Richman en solo. Nous voilà donc devant un album unique, un cas : lorsqu’il paraît (tardivemen­t) en 1975, son géniteur le renie. Il a tort. C’est son chef-d’oeuvre.

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