Tame Impala
“THE SLOW RUSH”
Trahison ? Révolution ? Tame Impala a cristallisé les débats en 2020 avec “The Slow Rush”. C’est le lot des artistes qui marquent leur époque au point de générer des armées de clones, et dont chaque opus est attendu comme de nouvelles tables de la loi. Le rock se cherche continuellement des prophètes, et, dans la dernière décennie, un mec du nom de Kevin Parker qui passait sa vie à enregistrer des disques seul dans son salon était malgré lui celui des sorciers du home studio. En 2012, avec “Lonerism”, Tame Impala est devenu la tête de proue d’une jeune génération de groupes psychédéliques, avant de tout envoyer valser trois ans plus tard avec “Currents”, album de ruptures, celui d’une séparation amoureuse servant de moteur à une réinvention artistique et un affranchissement des codes — avec un immense succès populaire à la clé. Attendu pendant cinq longues années avec appréhension — particulièrement par la frange rock qui avait vu Tame Impala muer de projet heavy-psych à pop atmosphérique — “The Slow Rush” ne pouvait qu’être clivant. Les ouvertures pop de “Currents” avaient indiqué un intérêt croissant de Kevin Parker pour les synthétiseurs aux dépens des guitares et une envie de coller à son époque en s’ouvrant aux codes des musiques électroniques et du R&B construit autour de beats. Avec “The Slow Rush”, Kevin Parker a définitivement largué les amarres et propose un voyage dans des méandres discoïdes (le funk infectieux de “Borderline”) et house (“Is It True”) où des influences inattendues (le soft-rock, la pop fluo des années 1980) pointent à chaque tournant, où les mots “couplet” et “refrain” n’ont plus de sens. C’est un melting-pot fascinant qui se contrefiche des classifications, un disque aux grooves infectieux (“Lost In Yesterday”) qui sait fait la part belle à la mélancolie (“Posthumous Forgiveness”). “The Slow Rush” n’est pas le meilleur album de Tame Impala, mais c’est peut-être son plus important. C’est le disque d’une nouvelle ère qui s’annonce passionnante. ERIC DELSART