Rock & Folk

Nick Cave & The Bad Seeds

“GHOSTEEN”

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Certaines chansons de “Skeleton Tree” avaient été composées avant la mort accidentel­le de l’un de ses fils, d’autres par la suite. Toutes ont été enregistré­es après le drame, donnant au disque une unité funéraire sans précédent. L’album à la pochette noire avait cogné au plexus solaire, une tournée triomphale avait suivi, après quoi, tout le monde pensait que le songwriter reviendrai­t faire un maximum de boucan avec Grinderman ou les Bad Seeds. Rien ne s’est passé comme prévu. Trois ans après “Skeleton Tree”, “Ghosteen” va plus loin encore dans la douleur : on ne se remet pas d’un tel événement, surtout lorsqu’on a passé une bonne partie de sa vie à chanter la mort, le meurtre et le diable. “Ghosteen”, au titre explicite, est donc autant un chant d’amour qu’une longue lamentatio­n dédiée au fils perdu. L’album mentionne les Bad Seeds sur la pochette, mais il s’agit bien d’une collaborat­ion quasi exclusive entre Cave et Ellis. Le double album se partage en deux disques. Le premier est “celui des enfants”, le second “celui de leurs parents”.

Le premier comporte ce qui ressemble encore à des chansons, le second est atmosphéri­que, Cave ne chante plus il parle la voix pleine de larmes. On peut aussi apprécier “Ghosteen” sans avoir perdu qui que ce soit et sans savoir ce qui est arrivé au chanteur en 2015. C’est simplement un très bel album d’un genre particulie­r : on connaissai­t les disques fous (tout Nico en solo), les disques douloureux (“Crèvecoeur” de Daniel Darc), les disques noirs (“Berlin” de Lou Reed), les disques spleenétiq­ues (“Seventeen Seconds” de Cure, “Closer” de Joy Division”) les disques au coeur brisé (“Blood On The Tracks” de Dylan), on connaît moins les disques de deuil. Une chose sauve celui-ci : il n’est pas sordide. Ironie du sort, c’est sans doute même le moins macabre de toute la discograph­ie de Nick Cave... Si “Ghosteen” ressemble à un long chant interrompu par quelques silences, il reste encore de vrais morceaux d’une beauté affolante : “Spinning Song”, “Night Raid”, “Galleon Ship”, “Waiting For You”. Les paroles sont, plus encore que d’habitude, saturées de références bibliques entrelardé­es de messages simples parfois répétées comme des mantras. L’ultime phrase de “Skeleton Tree” — “And

It’s allright now” — est déjà de l’histoire ancienne : la dernière de “Ghosteen” dit :

“And I’m just waiting now, for my time to come, and I’m just waiting now, for peace to come”. NICOLAS UNGEMUTH

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