Angel Olsen
“ALL MIRRORS”
Tout le plaisir de l’art d’Angel Olsen se trouve dans le changement et le passage. Sur “Burn Your Fire For No Witness”, “White Fire” convoquait le meilleur de la grande Sibylle Baier, là où “High and Wild” annonçait Courtney Barnett avec quelques mois d’avance. Et, lorsqu’elle rendait les armes, comme sur “Sister”, c’était beau comme du Emmylou Harris. Sa nouvelle livraison, “All Mirrors” arrive précédée de rumeurs de chef-d’oeuvre. Si le terme n’a pas besoin d’être galvaudé davantage, “All Mirrors” impressionne et emporte. Angel Olsen y synthétise les contraires, entre grand spectacle et secret, laconisme et lyrisme. Versatile, l’Américaine suit un peu la même évolution qu’Aldous Harding (mais en plus convaincante), passant du folk rock rêche de “Burn Your Fire For No Witness” à la pop Technicolor. Pour seconder la chronique chaotique de ses états d’âme, elle s’est cette fois appuyée sur des arrangements de cordes souvent superbes (“Lark”), signés Ben Babbitt et Jherek Bischoff, entrelacés à des synthés pop scintillants façon The Horrors. L’ambition rétrofuturiste est manifeste : la batterie mélodramatique de “Lark” évoque le Roy Orbison de “Running Scared”, et “Chance” ressuscite carrément l’esprit de Judy Garland. Si “All Mirrors” contient d’autres sommets (le morceau éponyme et “New Love Cassette”), “Summer” est sans doute le grand titre de l’album, s’ouvrant sur une basse liquide et un mantra — pour le coup bien peu estival — habité (“Took a while, but
I made it through/ If I could show you the hell I’d been to”) avant de s’achever en chevauchée néo-Morricone. Sans perdre de son mystère, Angel Olsen a désormais cessé d’être une outsider. VIANNEY G.