Stray Cats
“STRAY CATS”
ARISTA
Après quelques années passées à écumer les bars louches de la côte Est, les Stray Cats ont débarqué de leur New York natal à la conquête de l’Angleterre sans trop savoir à quoi s’attendre. Installés à Londres, leurs shows commencent à faire bopper une Albion encore sous le choc punk, à l’affût des vagues successives qui se percutent. New wave, ska, mod, cold, gothique, funk, Oi!, coupes de cheveux et panoplies se succèdent à ne plus savoir qu’en faire. En un album bardé de chefsd’oeuvre, les Stray Cats font redécouvrir au monde entier le rockabilly. Mené par “Runaway Boys”, furieux moment de rock’n’roll traité comme de la pop années 80 par un Dave Edmunds impérial, le disque n’est ni rétro, ni revivaliste mais, grâce aux époustouflants talents de compositeur de Brian Setzer, Lee Rocker et Slim Jim Phantom, un fantastique rajeunissement musical d’un genre oublié. Les teddy boys, brutes racistes emplies de bière qui ont mené la vie dure aux punks en 1977 se trouvent d’un coup évincés par une génération de rockies plus au fait des choses tandis que, dans les coeurs des minettes, le blond Brian et ses acolytes prennent une place comparable à celle des boy bands... L’Europe suit le mouvement et le bruissement collectif de millions de chevelures huilées en pompadours devient assourdissant. En un coup de manche, les Chats provoquent un véritable raz de marée, relancent la cote des Gretsch et, créant le business de rééditions fifties, sortent du placard Carl Perkins, passent un coup de brosse sur les tombes de Gene Vincent et Eddie Cochran. Setzer dévoile une virtuosité d’autant plus fascinante qu’elle ne doit rien aux habituelles références guitaristiques. En effet, ni la ronflante cascade de “Rock This Town” ni le bop swing de “Stray Cat Strut” pas plus que la furie de “Rumble In Brighton” (racontant les bagarres entre rockers et skinheads) ne doivent quoi que ce soit aux Hendrix, Clapton ou Page de la décennie précédente. Malins, Mick Jagger et Keith Richards les prennent en première partie et leur font un pont d’or pour qu’ils signent sur Rolling Stones Records — ils refuseront. Un an plus tard, sous une forme modifiée et un autre titre (“Built For Speed”), il permettra aux Chats de griffer le Billboard américain avec plus d’un million d’exemplaires vendus, exploit que Setzer n’égalera qu’en 1998 avec son orchestre swing. Tout cela en un album. Pas mal. NIKOLA ACIN