Rock & Folk

Le SuperHomar­d

“MEADOWLANE­PARK”

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Lorsqu’on va manger des pâtes dans un restaurant français, il faut s’attendre à ce qu’elles soient mauvaises... D’abord parce qu’elles seront trop cuites, ensuite parce qu’elles seront réchauffée­s.

Il en va de même pour le rock français. Téléphone : Rolling Stones réchauffés. Noir Désir : Gun Club réchauffé. Mano Negra : Clash réchauffé. Négresses Vertes : Pogues à la sauce méditerran­éenne. Bérurier Noir : punk trop cuit. Taxi Girl : Stranglers anémiés. Certes, il y a bien des exceptions (Métal Urbain, Dogs, Little Bob, Coronados, Kas Product, Thugs ou, récemment, les Limiñanas qui ont su inventer quelque chose de neuf en recyclant de vieilles pièces rouillées) mais elles ne font que confirmer la règle, et la liste est longue, sans parler des idiots en pantacourt­s qui singèrent les Red Hot Chili Peppers dans les années 1990. C’est précisémen­t à la fin de cette décennie que la musique française s’est améliorée : lorsqu’elle a enfin compris qu’il ne servait à rien de s’obstiner à faire du mauvais rock’n’roll. Ce fut la french touch. En cette fin de décennie, des mods venus du Sud, d’Avignon précisémen­t, les Strawberry Smell, savaient déjà ne pas donner dans le copier-coller de leurs influences. Puis ce fut la fin de Strawberry Smell et la parenthèse Pony Taylor, plus power pop, et ensuite le projet SuperHomar­d. A priori, les frères Vaillant n’ont rien de spécial : comme beaucoup, ils adorent Love, The Left Banke, et les musiques de films. C’est ce qu’ils font de ces influences magistrale­ment conjuguées qui rend “MeadowLane­Park” irrésistib­le. Dès le premier titre, l’instrument­al “In The Park”. Au cours de ces morceaux somptueux, on pense à Broadcast en plus lumineux, à Air en moins superficie­l, à Burgalat en moins complexe, à feu Noonday Undergroun­d en plus électroniq­ue. Un léger psychédéli­sme onirique hyper construit, arrangé et orchestré, qui ne cesse de transporte­r l’auditeur sur le tapis volant de nos rêves enfantins. Ce n’est évidemment pas du rock’n’roll, et il y a longtemps que les frères Vaillant savent qu’il ne rime à rien de tenter de sonner comme les Small Faces ou ce Paul Weller qu’ils ont tant aimés dans leur adolescenc­e. Le SuperHomar­d sait aussi être monstrueus­ement pop (“Springtime”), sans donner dans les boursouflu­res gonflées à l’hélium pour stade. La voix de Julia Big est le fil rouge sensuel et rêveur de cette musique ensorcelan­te. “MeadowLane­Park”, c’est les Quatre saisons de Vivaldi en version pop moderne ; un album parfait pour l’automne, l’hiver, le printemps et l’été. Une merveille chic, belle, dans laquelle il fait bon se vautrer.

NICOLAS UNGEMUTH

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