Crosby, Stills, Nash & Young
“DéJà VU”
ATLANTIC
Près de quarante-cinq ans plus tard, on se demande encore comment ils ont fait. Comment ils sont parvenus à se sortir de cette panade dans laquelle ils s’étaient mis tous seuls. 800 heures de studio (pour 37 minutes à l’arrivée...), à ce qu’il se raconte. Enfin, c’est Stephen Stills qui le racontait. Et comme il ne faut plus trop compter sur lui aujourd’hui pour ce qui est de la mémoire... Impossible à vérifier donc, pas plus que ces cent heures qui auraient juste été nécessaires à David Crosby pour se dépatouiller de la chanson-titre et ses humeurs de menuet. Ce n’est pourtant pas le temps qu’ils y auront passé ensemble, dans ces Wally Heider’s Studios, que ce soit le III de San Francisco ou le C de Los Angeles. N’aurait plus manqué qu’ils se croisent trop souvent et confrontent par trop leur ego surdimensionné. Ou se noient dans encore plus de détails ou de prises de globes, accélérer le tempo ici, le ralentir là (la version finale de “Helpless” par exemple). Bref, d’un commun accord — pour une fois ! — la décision sera prise que chacun débarque à tour de rôle pour faire ce qu’il aura à faire. Y compris pour les harmonies vocales, véritable marque déposée du trio avant même qu’il ne se décide à intégrer Neil Young dans son cercle. C’est donc moins d’un groupe dont il est question ici (sauf sur “Carry On” et “Woodstock”, le morceau de Joni Mitchell) qu’un étalage purement époustouflant des talents individuels de chacun. Un équilibre précaire avec deux compositions par tête de pipe — “Carry On” et “4 + 20” pour Stephen Stills, “Teach Your Children” et “Our House” pour Graham Nash, “Almost Cut My Hair” et “Déjà Vu” pour David Crosby, “Helpless” et ce “Country Girl” en trois actes pour Young — et un “Everybody I Love You” cosigné Stills-Young comme au (bon ?) vieux temps de Buffalo Springfield. Dallas Taylor (batterie) et Greg Reeves (basse) ont beau être cités sur la pochette, c’est à peine si l’on remarque leur présence, accaparés que nous sommes par ces fontaines de voix ou les solos de guitare de Stephen Stills. Borne-étalon d’une certaine country-folk mêlée de testament un brin désabusé de l’ère hippie, Déjà Vu ? Certes. Pas si simple non plus.
Quand on dit que l’on se demande encore comment ils ont fait...