Ten Years After
“CRICKLEWOOD GREEN”
CHRYSALIS
Parmi les vainqueurs surprises du festival de Woodstock, on trouve bien sûr Ten Years After et son épique “I’m Going Home”. Ce qui fut à la fois sa chance et sa perte, tant le foudroyant Alvin Lee a été depuis perçu comme l’archétype du guitar hero inutilement bavard, mitraillant un déluge de notes le plus rapidement possible, sans vraie recherche de construction ni mélodie. Un style spectaculaire et pyrotechnique, dont on peut retrouver la trace chez ses héritiers des années 1980, comme Joe Satriani ou Yngwie Malmsteen. De fait, il est généralement considéré que Ten Years After donnait sa pleine mesure sur scène, et ses disques en studio demeurent sous-estimés. Porté dans les charts par le triomphe de Woodstock, “Ssssh.” appuyait le propos d’un quartette blues rock doué pour l’improvisation (“Good Morning Little Schoolgirl”), mais sa production semblait un brin compassée, sans relief face à ses rivaux de l’époque. Pour “Cricklewood Green”, Alvin Lee et ses acolytes déménagent donc aux très prisés studios Olympic et y amènent l’impeccable Andy Johns (Led Zeppelin, Free, Blind Faith). Dès “Working On The Road”, les progrès sont notables. Son riff blues vicieux, cinglant et doublé à l’orgue s’imprime directement dans le cortex. Avec plus de sept minutes, “50,000 Miles Beneath My Brain” suit une progression d’accords qui emprunte beaucoup à “Sympathy For The Devil” pour s’achever sur un solo orgasmique virevoltant. “Year 3,000 Blues” est une étonnante pochade country aux textes influencés par la science-fiction. “Me And My Baby” explore une veine jazz moelleuse tandis que “Circles” est un folk lumineux. “As The Sun Still Burns Away” conclut la face B sur un groove sinueux. Avec ce très diversifié “Cricklewood Green”, Ten Years After démontre qu’il est capable d’explorer une écriture raffinée, sur la longueur d’un album à redécouvrir.