Rock & Folk

Diana Ross

“DIANA ROSS”

- CHRISTOPHE ERNAULT

MOTOWN

On célèbre, à juste titre, le “What’s Going On” de Marvin Gaye et le “Music Of My Mind” de Stevie Wonder comme les grands gestes émancipate­urs d’artistes Motown. On oublie rapidement ce premier album solo de Diana Ross sorti en 1970, qui, s’il n’a pas la conscience politique du premier et l’audace formelle du second mérite cependant une courte plaidoirie. Car, en rupture des Supremes, Ross va ici proposer un statement artistique tout aussi fort que ses collègues de machine à café, notamment en refusant d’assembler un album fourre-tout habituel pour le label, en rejetant les problémati­ques teenagers neuneu tout aussi habituelle­s, et, sans doute le plus important, donner les clés du projet à une paire de songwriter­s comme la Motown n’en a pas connue depuis HollandDoz­ier-Holland : Valerie Simpson et Nickolas Ashford, la team montante du label, qui signe ici aussi la production. Signe d’une intelligen­ce d’interprète dont elle fera à nouveau preuve en 1980 en cooptant Nile Rodgers et Bernie Edwards pour le redoutable “Diana” (en revanche, pour l’intelligen­ce des titres d’album on repassera). Or donc, il faudrait écrire des romans sur Valerie Simpson et son compagnon, Nickolas Ashford. Pourvoyeur­s de sweet soul symphoniqu­e pour le duo Tammi Terrell/ Marvin Gaye à la fin des sixties, la paire se retrouve orpheline quand la première meurt en 1969 et que le second décide de flyin high in a friendly sky. A qui, dès lors, refourguer des “You’re All I Need To Get By”, “Good Lovin Ain’t Easy”, “Ain’t Nothing Like The Real Thing”... A qui ? Diana lève le doigt. Résultat, on lui apporte rubis sur ongle : “Ain’t No Mountain High Enough”, “Now That There’s You”, “Reach Out And Touch” qui illuminent la première face du disque de leur munificenc­e harmonique. Car Valerie Simpson compose des musiques alambiquée­s, riches, idiosyncra­siques où le gospel, le jazz, le rhythm’n’blues et la pop se mélangent de façon sidérante. Ashford complétant l’ensemble par des paroles oecuméniqu­es qui ne perturbent pas le flow général. Sans oublier Diana Ross, la chanteuse, sous-estimée, parfois raillée. Une voix droite qui ne module pas sans raison, à l’inverse de toute la tradition soul ou Broadway. Ce placement à la limite de la Suisse. Et ce timbre quasiment pornograph­ique. Sans se rendre compte qu’elle invente ici Michael Jackson, qui a du mouiller son lit en écoutant “Ain’t No Mountain High Enough”. En fermant les yeux dans le talk-over introducti­f, le trouble est conséquent sur l’influence de l’une sur l’autre. Quoiqu’il en soit, le constat est là : Valerie et Diana, deux grandes artistes.

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19 70

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