Rock & Folk

The Rolling Stones

“BLUE AND LONESOME” POLYDOR/ UNIVERSAL

- CHRISTIAN CASONI

Osons le ridicule, “Blue And Lonesome” est le meilleur album des Stones depuis “Exile...”. Personne n’attend d’eux le nouveau “Jumpin’ Jack Flash”, toutes les illusions ont fini par s’épuiser depuis “Angie”, toute l’ironie s’est épanchée, on peut se détendre. Ce n’est jamais qu’un album de reprises sans grand enjeu. Les voilà en famille avec Darryl Jones, leur producteur Don Was, les claviers Chuck Leavell et Matt Clifford, Clapton qui passe en voisin sur deux titres, et Jim Keltner qui pose une percu. A part Little Johnny Taylor, dont la chanson tombe après le Swinging London, tous les bluesmen à l’honneur furent des références fondatrice­s du R&B anglais. Un retour à la source, certes, mais avec cinquante ans d’histoire dans la musette et la caution des rides, un certificat dont ils ne jouissaien­t pas lorsqu’ils choisirent le titre d’une chanson de Muddy Waters comme raison sociale. Jagger, qui n’a pas un coffre considérab­le, s’attaque tout de même à des tuyères comme Otis Rush. La magie du studio règle l’inconvénie­nt. Don Was virilise le chant, mais Jagger rame encore de temps en temps. Sur “I Can’t Quit You Baby” par exemple, il prétend faire du Buddy Guy sans en avoir la puissance ni le vibrato. Avant de tirer le canon à fleurs, la dernière réserve sera pour “Everybody Knows About My Good Thing”, trop plan-plan, hors contexte. Les Stones collent aux originaux, restent en formation serrée tout du long et Keith Richards, en retrait. Leur humilité marque même cette pochette aux couleurs roborative­s. Le lippu pousse l’harmo sans souci des gerçures, les shuffles sont frottés au brou de noix, Charlie Watts frappe comme un sourd, Ron Wood trousse quelques ourlets dans le feu du rythme... Ce grand bond en arrière fait regretter d’avoir vécu toutes ces décennies de merde molle. A quand remonte leur dernier rock du calibre de “Ride ’Em On Down” ? Pourtant les fans des Stones n’aiment pas Don Was, et les mandarins du blues grincent contre une curée médiatique qui fait si peu de cas des vraies valeurs. “‘Blue And Lonesome’ n’est pas le disque de blues le plus bandant de l’année”, se désole ainsi le collège des docteurs. Tût-tût ! Non seulement “Blue And Lonesome” est le meilleur album des Stones depuis “Exile...” mais aussi, pour des raisons strictemen­t apostoliqu­es, l’album du genre le plus important depuis “Texas Flood”. Ça fait mal au cul de l’admettre, mais c’est Stevie Ray Vaughan qui avait lancé le revival des années 1980. Les mandarins peuvent se frapper le front, les Stones auront fait davantage pour la cause du blues, en trois jours de studio, que des décennies de gloses, de malédictio­ns et de militantis­me éclairé.

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