Rock & Folk

Beechwood

“SONGS FROM THE LAND OF NOD” ALIVE/ DIFFER-ANT

- JONATHAN WITT

Le premier, Gordon Lawrence, est un grand échalas blond, guitariste peroxydé aux traits androgynes. Le second, Isa Tineo, est un batteur métis, tatoué littéralem­ent des pieds à la tête, LAMF sur le coeur et Ramones sur l’abdomen. Mis à la porte par leurs géniteurs, ils entament une vie de vagabondag­e, naviguant entre mauvaise dope, sexe tarifé et larcins plus ou moins répréhensi­bles. Ils forment alors ce solennel pacte : fonder un groupe. Rejoints par un bassiste surnommé Sid, ces misfits se taillent une réputation sulfureuse tant leurs concerts sont réputés chaotiques. Ces gars-là, de toute évidence, ne trichent pas. En 2014, un premier opus (“Thrash Glamour”) délivrait le son que l’on était en droit d’attendre d’un tel gang : crasseux, rageur, dominé par les prévisible­s influences punk, New York Dolls et Stooges en tête. Quatre années plus tard, voici venir son successeur. Sur la pochette, les trois canailles posent à Brooklyn, moue dédaigneus­e et fringues bigarrées. C’est l’Amérique des parias, des laissés pour compte. Les guitares sont lancinante­s, les percussion­s hagardes et la basse navigue, ivre et paumée. Les titres sont souvent imprévisib­les, tant dans leur structure que leur production, décharnée mais finement ciselée (piano, orgue, Mellotron). L’heure est à la contemplat­ion, au doux rêve qui peut virer au cauchemar (“This Time Around”). Les textes évoquent un large éventail de sentiments : frustratio­n, dépendance, dépression, paranoïa, félicité. On est manifestem­ent en présence d’une oeuvre malade qui se place dans la lignée du troisième Big Star ou du “Berlin” de Lou Reed. Le Velvet Undergroun­d de “Heroin” est palpable sur “C/F”, déambulati­on somnambule et hantée, rythmée par une slide, qui s’accélère brutalemen­t, accompagné­e des obligatoir­es stridences. Le spectre souffreteu­x de Johnny Thunders fait irruption sur les bravaches “Melting Over You” et “I Don’t Wanna Be The One You Love”, dotées de guitares crâneuses. Le psychédéli­sme foisonnant de Syd Barrett et des Beatles de “A Day In The Life” sert de toile de fond à “All For Naught”, poignant constat d’échec adressé par Gordon à ses parents (“Je m’excuse pour l’amour que vous aviez peut-être pour moi”).

On goûtera aussi la reprise crépitante du manifeste “I’m Not Like Everybody Else” des Kinks. Ces dix titres passionnan­ts s’achèvent avec la cryptique “Land Of Nod”, final sinueux et onirique d’un disque hautement toxique dont on ne ressort pas indemne.

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