Parquet Courts
“WIDE AWAAAAAKE!” ROUGH TRADE
Parquet Courts, de Brooklyn, appartient à cette famille de groupes, post-punk d’une certaine façon, qui savent mêler accords sauvages et constructions cérébrales. Un pied dans la rue et un autre à la faculté de lettres, histoire de caricaturer. Avant eux, il y a eu The Fall, Modern Lovers, Devo, Talking Heads, Feelies, Clap Your Hands Say Yeah, entre autres. Pogo et quête intérieure... Ce cinquième album marque certainement un tournant dans la carrière des Américains. Produit par Danger Mouse, alias Brian Burton, ce disque dédié aux barricades virtuelles et aux déhanchements des corps occidentaux écrasés par une époque cynique et terrifiante, emprunte de multiples chemins, qu’ils soient punk, (disco)funk, pop ou carrément foutraques. C’est dû autant à la volonté du groupe, depuis ses débuts, de brouiller les pistes pour ne pas sombrer dans la redite lourdingue qu’à l’approche hybride de Danger Mouse, capable du meilleur comme du pire (Gorillaz et son cirque international troupier...). L’indie rock des Parquet Courts s’offre ici un décrassage impeccable, où sont convoqués autant les hooligans britanniques des années 70 que Johan Cruyff, Grace Jones, Bowie et Townes Van Zandt. Parquet Courts a beau toucher à presque tout sur ce disque mutant, il ne perd jamais sa boussole et fonce vers un horizon aux nuages contrariés. La tension est palpable, dès l’introduction, avec “Total Football”, chanson incendiaire et parfaite, hymne d’un stade insoumis et fier. Tout comme “Almost Had To Start A Fight”, à la virilité rigolarde mais avec les poings serrés quand même, qui donne envie de foncer dans le tas avec un sourire assumé bien accroché à la face. “Violence”, lui, est un rap de club d’avant les chaînes en or et les grosses voitures, funk blanc et choeurs fédérateurs, avec cet orgue qui fouille les entrailles, Booker T en plein trip . On comprend alors le désir du groupe: remonter le temps pour mieux le dépasser. Comme si Andrew Savage et Austin Brown, les deux têtes pensantes de l’entité, et qui ont écrit la quasi intégralité de l’album, avaient décidé de balancer tous leurs vinyles au beau milieu du salon et de joyeusement sauter dessus à pieds joints... “Wide Awaaaaake!” est un disque qui doit aussi beaucoup à Trump, au consumérisme cannibale, aux réseaux sociaux nombrilistes. La bande-son d’une génération qui ne sait plus si elle est victime ou bourreau. Voire un peu des deux...