Deep Purple
“MACHINE HEAD”
HARVEST
Il aura suffi qu’il y ait le feu au lac pour que “Machine Head” enflamme l’Europe. Si l’on passe sous silence poli l’épisode “Fireball”, disque au cul coincé entre deux chaises (et pour cause), ce septième album des Empourpreurs Profonds est le vrai successeur de “In Rock”, chef-d’oeuvre étalon reconnu du metal naissant. Effectivement, tout donne à croire que sans “Smoke On The Water”, récit mouvementé de l’incendie qui ravagea le Casino de Montreux où le groupe, invité par Claude Nobs, prévoyait d’enregistrer son nouvel opus fin 1971, “Machine Head” et la carrière de ses auteurs auraient vraisemblablement pris une tout autre tournure. Mais voilà, son riff primaire et catchy en fera la deuxième chanson la plus jouée par les guitaristes en herbe après “The House Of The Rising Sun” : les quatre notes en question ont procuré des sensations quasi sexuelles à plusieurs générations de musiciens qui se les appropriaient parfois plus certainement que le coeur (voire plus) des jolies filles en jupe. Pourtant, c’est “Highway Star”, dégoupilleuse qui sidère encore : soutenue par la rythmique sous caténaires de Paice/ Glover, la chanson file comme un train fou vers l’Apocalypse. Gillan attaque les mots de front, Jon Lord hache l’orgue menu, mine la voie, et Ritchie Blackmore, pas encore dingue mais déjà fou, livre un solo de Stratocaster d’anthologie inspiré de Bach et Johnny Burnette. A 4 minutes et 22 secondes, on dévisse littéralement. “Maybe I’m A Leo”, habilement contrepointée, incisée d’accords de Hammond B3 et “Never Before”, réminiscence des années psyché-pop, ont également des appâts propulseurs. Adorée ou abhorrée, “Lazy” est mégalo et totalement paranoïaque puisque truffée d’interventions calibrées (on a dit chronométrées) que la plus solide et inventive rythmique du genre anime d’un swing incoercible. Gillan y est homme à l’harmonica et tempère à en perdre haleine les ardeurs des solistes embusqués. Sur “Space Trucking” enfin, Metallica a construit toute sa carrière : après ce refrain-là, le déluge. Sans surprise, la lave électrique crachée par Deep Purple sur “Machine Head” embrasera les charts d’alors, peu réfractaires, il faut l’avouer, à ce genre de coups de chaud.
Et Led Zeppelin se sentit moins seul.