New York Dolls
“NEW YORK DOLLS”
MERCURY
Todd Rundgren a fait l’impossible pour saisir, au Record Plant, l’essence de la musique du quintette, mais de l’avis des survivants qui l’y ont vu, ce premier album — publié deux ans après sa formation — ne reflète pas ce qu’il était sur scène. Pas évident non plus, même avec le temps, de coller une étiquette sur un rock aussi hirsute, qui tapine dans tous les sous-genres des glorieuses early-70’s : R&B, hard, glam, pré-punk. “New York Dolls” est tout ça à la fois, et pas mal d’autres choses encore. A sa sortie, rappelant ainsi la destinée du premier Velvet Underground, le 33-tours va davantage enthousiasmer la critique que le public. Avec le temps, “Personality Crisis” (ces poupées masculines s’habillaient en femmes), “Looking For A Kiss”, “Trash” ou “Jet Boy”, authentiques appels à la débauche dotés de refrains facilement mémorisables, sont devenus, dans leur genre et pour un auditoire averti, des hymnes. David Johansen, brailleur en chef, était également un sacré parolier (fondu de littérature américaine) et sa contribution à la composition des titres qu’il n’a pas signés seul, est tout simplement remarquable. Homme à (presque) tout jouer, le guitariste Sylvain Sylvain consolide ici la baraque tenue par la rythmique (Arthur Kane à la basse, Jerry Nolan à la batterie — en remplacement de Billy Murcia, autodégommé en pleine tournée anglaise en 1972). Johnny Thunders, guitariste lead aussi frêle qu’irrésistible, en passe de devenir l’icône des “nés pour perdre”, en traverse les pièces tel une furie, sans se donner la peine d’ouvrir les portes. Adepte du rangement, Todd Rundgren a certainement mis un peu trop d’ordre dans tout ça (si son chien a vraiment pissé sur la table de mixage, ça ne s’entend pas), mais n’est pas parvenu à araser la plupart des proéminences, de tailles et formes variables, du disque.
En 1973, le défunt mais excellent magazine Creem a qualifié New York Dolls de Meilleur et Pire groupe de l’année. Ça n’était même pas antinomique comme le montre, avec insolence et en noir et blanc, la photo de la pochette.