Clap Your Hands Say Yeah
“New Fragility”
Dernier rescapé du groupe originel, Alec Ounsworth n’avait pas publié de musique depuis 2017. Ce nouveau disque n’a plus grand-chose à voir avec celui de ses débuts, il y a déjà quinze ans. Un certain romantisme, mais surtout une forme de désespoir habitent toutes ces chansons, comme une bande-son idéale de l’année écoulée. Ça démarre fort avec “Hesitating Nation”, titre hanté par les désillusions américaines et une élection pour la forme, sans réel choix. “Nous sommes devenus les premiers millionnaires du monde/ Tu sais ceux qui simplement s’en foutent”. Avec cette grande lucidité que peut donner la tristesse, quand même le cynisme a disparu, il écrit certains de ses plus beaux textes. “Ça sent le compromis avec des soupçons de confusion/ Les vacances sont des journées de travail pour nous maintenant/ A porter un poids mort et à étreindre ce doute en nous-mêmes.” Les arrangements ambitieux, avec des magnifiques cordes, servent parfaitement la voix généreuse et sans aucune retenue d’Alec (le très lyrique “Innocent Weight”). Cette vulnérabilité, presque dérangeante à la première écoute, finit par toucher profondément sur “Mirror Song” et son début piano-voix. Le chanteur à la voix nasillarde ne se cache jamais. On pense aux grandes heures de Neil Diamond sur l’excellent morceau éponyme “CYHSY, 2005” et ses violons chiadés. Peut-être est-ce une façon de conclure définitivement l’aventure du groupe en tant qu’entité collective ? “Thousand Oaks”, morceau le plus fort du disque, avec son texte très cru et violent, a une immédiateté qui le range aux côtés des meilleurs de l’auteur-compositeur. L’album finit sur “If I Were More Like Jesus”, un pianovoix poignant, enregistré comme une maquette sur un magnétophone pourri, qui mériterait une version propre et bien orchestrée. Alec Ounsworth réalise ici son oeuvre la plus politique, mais aussi la plus désabusée. ✪✪✪✪ BRIAG MARUANI