Fleet Foxes
“Shore” ANTI/ PIAS
Avec la voix cristalline de Robin Pecknold, ces choeurs irréels et ces mélodies intemporelles interprétées par une assemblée de bardes hirsutes qui semblaient sortir des bois, Fleet Foxes a créé sur ses deux premiers albums une musique unique, portée par une imagerie et une mystique qui confinaient à la magie. Puis les choses ont déraillé. Le batteur est parti chanter des chansons lubriques sous le nom de Father John Misty, Pecknold a mis le groupe sur pause quelques années et est retourné à la fac s’aérer l’esprit. Fleet Foxes a fini par ressurgir en 2017 avec “Crack-Up”, disque cérébral qui s’écrasait un peu sous le poids de ses idées, et qui témoignait surtout que le groupe avait abandonné son cosplay de Steeleye Span. “Shore” confirme cette émancipation de l’idiome folk (comme on l’entend dans son sens original), d’autant que Pecknold est le seul membre du groupe qu’on entend sur le disque — officiellement pour des raisons liées au confinement, mais on notera qu’il y a de nombreux invités ici, comme Kevin Morby. Ce disque solo non avoué reprend certains codes du groupe : harmonies célestes, mandoline (“Featherweight”) et ces mélodies plaintives qui s’égrènent doucement dans le cerveau (“Sunblind”, magnifique), mais le message est plus positif, plus apaisé. Pecknold a mûri, les angoisses qui nourrissaient “Helplessness Blues” il y a dix ans sont aujourd’hui mieux gérées par le chanteur (comme l’indique le texte de “Young Man’s Game”) et sa musique, plus lumineuse, s’en ressent. Plus qu’un retour en forme, “Shore” semble augurer d’un nouveau départ pour le groupe et un Robin Pecknold plus libéré que jamais. ★★★★