Du metal ? Du jazz ? Du folk ?
Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleurs microsillons du moment.
Rééditions David Bowie
“Station To Station” Parlophone
S’il ne fait pas partie de sa fameuse trilogie berlinoise, “Station To Station” montrait déjà un David Bowie au regard tourné vers l’Allemagne. Le chanteur, qui introduisait sur cet album sorti en 1976 le personnage du Thin White Duke, son nouvel alter ego décharné et blafard, avait pris de plein fouet l’émergence du krautrock (Kraftwerk et Neu en tête) dont il s’inspire ici. Le funk, dont le chanteur s’était emparé sur “Young Americans” devient robotique (“Golden Years”), les morceaux sont plus imprévisibles que jamais (“TVC 15”). “Station To Station” est un album singulier, il revient sur vinyle coloré (blanc ou rouge, une chance sur deux, sûrement pour ennuyer les complétistes).
The Black Keys
“Brothers” Nonesuch
Cela fait maintenant dix ans que les Black Keys ont délaissé leur son garage-blues raide inspiré de Junior Kimbrough pour aller vers des contrées plus pop. Ce que certains puristes ronchons ont considéré comme une trahison s’est en fait avéré être une des réinventions les plus enthousiasmantes de mémoire récente. Enregistré après une période de brouille entre Dan Auerbach et Patrick Carney, “Brothers” est un disque chaleureux au funk lourd dans lequel Auerbach se révèle en tant que songwriter et chanteur à la touche soul (“Tighten Up”, “Everlasting Light”). Le grand public ne s’y est pas trompé et a réservé un accueil triomphal au groupe. Quelques années plus tard, “Brothers” fait partie des classiques de la décennie. Il revient augmenté de trois inédits sur un superbe double vinyle.
The Creation
“We Are Paintermen” Edsel/ Demon
L’époque est belle pour les fans de The Creation. Après les EP magnifiquement réédités par Caméléon, le premier album du groupe freakbeat revient sur un joli vinyle transparent. Une drôle d’affaire que ce disque, sorti uniquement en Allemagne à l’origine (en 1967) et sur lequel on retrouve de nombreuses reprises pas indispensables (“Hey Joe”, “Like A Rolling Stone”) à côté de classiques absolus du groupe (“Painterman”, “Biff, Bang, Pow”, “Making Time”). Alors certes, c’est moins complet que la compilation “Our Music
Is Red – With Purple Flashes”, mais ça permet de redécouvrir des pépites déclassées telles que “Tom Tom” ou “Nightmares”.
Floo Flash
“Moderne” Simplex
Groupe lyonnais formé au tout début des années 1980, Floo Flash n’a jamais rencontré le succès malgré quelques premières parties prestigieuses et des prestations scéniques remarquées. L’album “Moderne” rassemble ici plusieurs inédits enregistrés entre 1981 et 1985 en studio, live ou session radio (mais malheureusement pas l’unique EP du groupe avec l’excellente “Mon Epoque”). Plus power-pop que punk (pensez guitares carillonnantes façon Plimsouls ou Barracudas), Floo Flash excellent sur les treize morceaux de cette compilation qui réhabilite de belle façon ce groupe passé sous les radars.
Pink Fairies
“Never Never Land” Music On Vinyl
Les anniversaires sont souvent prétextes à rééditions. Celle du premier album des Pink Fairies pour son cinquantenaire met particulièrement en joie car c’est, album aussi important que méconnu, une pierre angulaire du rock britannique des années 1970. Formé de freaks de la scène anarchiste londonienne de Ladbroke Grove à la disparition des Deviants, les Pink Fairies inventent ici le hard rock psychédélique à l’anglaise, tout en énergie brute (l’hymne “Do It”), ambiances malsaines (“WarGirl”) et envolées space (“Uncle Harry’s Last FreakOut”). Seul regret ici, l’absence de graphisme sur la pochette plastique comme sur l’original.
Nuggets
“Original Artyfacts From The First Psychedelic Era, 1965-1968”
Rhino
C’est un travail d’intérêt public : une fois par décennie, Rhino réédite la compilation “Nuggets” afin que les nouvelles générations aient accès à la Bible du rock garage américain des années 1960. Certains lui préfèrent l’énergie primale des compilations “Back From The Grave”, d’autres la folie kaléidoscopique de “Rubble”, mais “Nuggets” représente le point de départ idéal pour commencer à creuser la richesse du rock américain des années 1960. Rhino réédite la compilation originale (à vingt-sept titres, on n’a pas la folie du coffret CD) qui comprend tous les indispensables : Seeds, Remains, Electric Prunes, 13th Floor Elevators, Count Five etc.
Nouveautés King Gizzard And The Lizard Wizard
“Live In San Francisco ’16” ATO
Aller voir King Gizzard en concert, c’est un peu comme jouer au loto. La frénésie de publications du groupe l’oblige à ne tourner que très peu certains albums, et on ne sait jamais à quoi on aura droit sur scène. Du metal ? Du jazz ? Du folk ? Ce double album live, qui vient d’être publié sur vinyle recyclé !, documente la tournée successive à “Nonagon Infinity”. On retrouve ainsi le roi gésier en mode kraut-garage, pied au plancher sur ses tubes hypnotiques (“Gamma Knife”, la suite “I’m In Your Mind Fuzz”), prenant une simple pause planante (“The River”) avant un fantastique final space-rock (“Head On/ Pill”). C’est le King Gizzard qu’on préfère, et le fait qu’il ait pu être ainsi saisi sur scène est une bénédiction.
Midnight Cassette
“Castle Of My Heart” Le Pop Club
Amy Winter, chanteuse anglaise des excellents Gloria, publie son premier album avec son projet parallèle, Midnight Cassette. Composé de musiciens de la scène lyonnaise, le groupe propose des chansons psychédéliques douces. “Castle Of My Heart” est une plongée dans les années 1960 aux arrangements soyeux et aux lignes de basse élastiques (“The End Of The World Waltz”) qui prend parfois des détours disco (“Playing With The Devil”) et où la voix de la chanteuse envoûte (“Castle Of My Heart”).
Michael Rother
“Dreaming” Groenland
Neu et Harmonia n’existent plus mais Michael Rother, guitariste légendaire de ces deux groupes majeurs du krautrock, publie toujours de façon irrégulière des albums. Comme c’est souvent le cas en ce moment, “Dreaming” est né pendant le confinement. Loin de se filmer sur Facebook pour ses fans ou de publier des chansons acoustiques, Rother a mis à profit cette période sans concert pour retravailler de vieux concepts et concevoir un album dense et passionnant. Ambient, mélancolique, électronique, méditatif… c’est un magnifique compagnon des journées d’hiver.
Swear I Love You
“Swear I Love You” Exag
Belle surprise que le premier album de ce groupe suisse au nom improbable et dont la musique se nourrit de l’influence du rock des années 1980 et 1990. De “Smoke & Mirrors”, très Echo & The Bunnymen dans l’esprit, à “Under The Pines”, irrésistible tube psychédélique de l’album aux faux airs de Brian Jonestown Massacre, en passant par la barrettienne “Down The Stream”, ce mini-album regorge de belles chansons (“Sounf Of Seashells”).
45 tours Ty Segall & Cory Hanson
“She’s A Beam” Drag City
En 2015, Ty Segall avait joué pour une session KEXP l’inédit “She’s A Beam” en duo acoustique avec son pote Cory Hanson (chanteur de Wand). Ce superbe morceau — très “Sleeper” dans l’esprit — sort enfin aujourd’hui dans une version explosive de cinq minutes, accompagné d’un autre inédit glam tout aussi recommandable (“Milk Bird Flyer”). ■