ROCK ’N’ROLL FLASH BACK
MARS 1991 R&F 283
Moussorgski rentre dans le thrash sous la schlague de Mekong Delta, un trio teuton dont l’hybride est encore plus lapino-carpé que celui de Rondo Veneziano. A sa tête : Björk Elkund, bassiste et compositeur, persuadé que tous les musiciens sont remplaçables sauf le bassiste. Moins stressé par sa flamme baroque que Mekong Delta : David Lee Roth. Vieillir n’est pas difficile pour un rocker :
“Je ne suis pas Peter Pan, ma musique est quelque part entre le big band de Duke Ellington et le heavy metal.” Les Sugarcubes ont deux problèmes. Comment rester islandais quand on fait de la pop, qu’on chante en anglais et qu’on enregistre son nouvel album aux USA ? L’autre problème s’appelle
Björk. Photographes et journalistes n’ont d’objectifs et de dictaphones que pour elle, et CBS a tenté d’évincer les autres pour mettre le paquet sur la chanteuse.
MARS 1971
R&F 050
Ce reporter est allé voir Ike And Tina Turner à l’Olympia, il a encore mal au nerf optique. Ils sont l’expression de
“la réussite noire” telle que la tolère l’Amérique WASP. Tina, “bête à désir, vulgaire et agressive”, la cause du free jazz dans un “théâtre de la joie”, où les spectateurs blancs sont condamnés à n’être que des voyeurs honteux. Ike, le stratège, a cherché pendant dix ans “cette recette savante, cet équilibre parfait” qui sort le R&B du ghetto, travesti en pop music. Dans le genre opposé, les îles britanniques sont devenues le laboratoire du folk, une ébullition urbaine ouverte à l’électricité, “ultime recours” de ceux qui ont “exploré jusqu’à l’épuisement toutes les avant-gardes”, Fotheringay, Fairport Convention, Pentangle ou l’Incredible String Band, le premier à avoir posé “sa recherche pop sur des bases folkloriques”.
MARS 2001 R&F 403
Les rockers jouent de la guitare et de la langue de bois. Apprenez à déboiser. S’ils disent : “Nous sommes le putain de meilleur groupe du monde”, entendre : “Nous consommons énormément de cocaïne.” “Nous ne sommes pas le genre de groupe qui balance des téléviseurs du septième étage” = “Nous sommes les 2Be3”… Ça ne saute pas aux yeux avec Daft Punk en couverture, mais il s’agit en fait d’un spécial Serge Gainsbourg.
Il y a dix ans, le nuage de Gitane monté sur chaussures Repetto cessait de trouer la couche d’ozone. Rééditions, raretés, inédits se déchaînent, et Rock&Folk aussi : seize pages en tout, dont quatre de témoignages sur les derniers jours de stupeur et de solitude d’un homme effacé par le manque de goudron. Bertrand Blier : “Il avait fixé l’espace et le temps. Il ne fallait plus bouger. Rue de Verneuil, on sentait un chagrin terrible.”
MARS 1981
R&F 170
“Sandinista”. A Notting Hill, c’est le mois des clashes plus que de Clash. Clash avec CBS France qui les trouve “puants et négatifs”. Clash avec leur avocat qui leur interdit de tourner car, à vouloir rétribuer leurs premières parties, ils traînent une dette ingérable. Clash avec les punks allemands qui leur dénient le droit de jouer “White Riot”. Eh oui, ils ont trahi. Clash avec la critique anglaise qui dézingue “Sandinista” parce que c’est branché de dézinguer l’album. Clash au sujet du film “Rude Boy” enfin. Encore un contrat mal lu. “Nous n’avions rien à dire.” Le héros “se prend pour James Dean. C’est raté”,
mais ils trouvent le réalisateur très réussi en “enculé de petit bourgeois”.
Trois disques pour le prix d’un, c’est possible si on renonce aux royalties sur les 200 000 premiers exemplaires. Au 200 001ème, ils encaisseront trente pence.
MARS 2011 R&F 523
Depuis “Street Legal”, Bob Dylan se laisse gagner par l’ivresse de l’apocalypse et revient, mine de rien, à l’esprit fondamental du folklore, “la chanson de l’étranger” qui voyage “depuis les temps immémoriaux”. Le Roi des Gitans l’a libéré, et notre homme a démarré le Never Ending Tour. L’apocalypse, c’est bon pour les sédentaires, “Les Bohémiens n’ont pas peur.” Liam Gallagher croit que Beady Eye écrit “les meilleures chansons du monde” (il disait déjà ça de son premier groupe), et pas pour ratisser les premiers fans d’Oasis : “Ça ne sert à rien d’être le groupe préféré des quadras avec du bide.
On ne va jamais loin avec ce genre de mecs.” Entre Bagdad et Pyongyang, des Andes à l’Ethiopie, avant les mollahs, les Khmers rouges et les juntes, une jeunesse non alignée acclimatait l’hédonisme occidental à sa météo. C’était un “global psyché”.